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POST-SCRIPTUM.

Africains, je l’avoue encore ; mais je prendrai la liberté de dire à l’auteur de ce saint libelle, avec Armande, dans les Femmes savantes :

Quand sur une personne on prétend se régler,
C’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler.

(Acte I, scène i.)

Je dirai à l’évêque d’Hippone : Monseigneur, vous avez changé d’avis, permettez-moi de m’en tenir à votre première opinion ; en vérité, je la crois meilleure.

Je dirai à l’évêque de Meaux : Monseigneur, vous êtes un grand homme : je vous trouve aussi savant, pour le moins, que saint Augustin, et beaucoup plus éloquent ; mais pourquoi tant tourmenter votre confrère, qui était aussi éloquent que vous dans un autre genre, et qui était plus aimable ?

L’auteur du saint libelle sur l’inhumanité n’est ni un Bossuet ni un Augustin ; il me paraît tout propre à faire un excellent inquisiteur : je voudrais qu’il fût à Goa à la tête de ce beau tribunal. Il est, de plus, homme d’État, et il étale de grands principes de politique. « S’il y a chez vous, dit-il, beaucoup d’hétérodoxes, ménagez-les, persuadez-les ; s’il n’y en a qu’un petit nombre, mettez en usage la potence et les galères, et vous vous en trouverez fort bien » ; c’est ce qu’il conseille, à la page 89 et 90.

Dieu merci, je suis bon catholique, je n’ai point à craindre ce que les huguenots appellent le martyre ; mais si cet homme est jamais premier ministre, comme il paraît s’en flatter dans son libelle, je l’avertis que je pars pour l’Angleterre le jour qu’il aura ses lettres patentes.

En attendant, je ne puis que remercier la Providence de ce qu’elle permet que les gens de son espèce soient toujours de mauvais raisonneurs. Il va jusqu’à citer Bayle parmi les partisans de l’intolérance : cela est sensé et adroit ; et de ce que Bayle accorde qu’il faut punir les factieux et les fripons, notre homme en conclut qu’il faut persécuter à feu et à sang les gens de bonne foi qui sont paisibles.

Presque tout son livre est une imitation de l’Apologie de la Saint-Barthélemy[1]. C’est cet apologiste ou son écho. Dans l’un ou dans l’autre cas, il faut espérer que ni le maître ni le disciple ne gouverneront l’État.

  1. De l’abbé Caveyrac.