Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/267

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QUESTIONS

PROPOSÉES A OUI VOUDRA ET POURRA LES RÉSOUDRE'.

��Peut-on admettre quelque chose dont on n'a aucune idée ? l'ignorance, en ce cas, ne vaut-elle pas mieux qu'un système? N'est-il pas vrai que ces mots: la vie, la santé, l'intelligence, la volonté, la force, le mouvement , la végétation, le sentiment, sont des mots génériques, des mots abstraits, inventés pour exprimer des effets que nous voyons, que nous éprouvons? Il n'y a point sans doute d'être réel appelé la vie qui se loge dans un corps et le rend vivant. Il n'y a point d'être réel appelé l'intelligence, la volonté, la force. Mais un homme est fort ou faible ; il comprend certains axiomes, ou il ne les comprend pas ; il veut, ou il ne veut pas ; il se meut, ou il est en repos. Tous ces mots, qui expriment en général nos actions particulières, peuvent-ils être autre chose que des mots?

Il n'y a réellement point de végétation , mais des plantes qui végètent; point d'être métaphysique appelé respiration, mais des animaux qui respirent; point de sentiment en général, mais des animaux qui sentent.

Quelque torture que nous donnions à nos idées, trouverons- nous jamais un seul mot abstrait qui puisse signifier une sub- stance? Un corps passe d'un lieu à un autre; mais y a-t-il un être invisible appelé mouvement qui aille se loger dans ce corps, et qui ensuite se retire? Y a-t-il une personne appelée végétation, qui se mette dans le corps de cette plante, et qui fasse monter les sucs de la terre dans ses fibres? Toutes nos disputes ne viennent- elles pas de l'abus que nous avons fait des mots, et de l'habitude où nous sommes depuis longtemps de les prendre pour des choses?

��1. Ces Questions ont été Imprimées dans le Journal encyclopédique, du 15 sep- tembre 1764 (voyez tome XVII, page 109). Voltaire en parle dans sa lettre à Damilaville, du 12 octobre 176i.

tiô. — Mélanges. IV. 17

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