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334 ARBITRAGE, ETC.

avec les dernières classes des hommes ; l'honneur de juger la nation deviendrait un opprobre : le commis d'un receveur des tailles ferait trembler son juge. Une chimère aussi tyrannique rendrait le nom d'un ministre éternellement odieux, s'il avait pu la proposer.

Il est très-vrai encore (page 101) que l'auteur du testament propose d'ordonner « à tous les gentilshommes qui auront passé vingt ans de porteries armes », et d'ordonner à tous les capitaines de cavalerie « d'enrôler dans leurs compagnies au moins la moitié de gentilshommes »,

C'est dans le même chapitre (page 103) que l'auteur dit que (( si l'on veut avoir cinquante mille hommes, il en faut lever cent».

Saisis d'étonnement j\ la lecture de tant d'étranges proposi- tions, nous croirions en effet être coupables envers la nation comme envers la mémoire d'un grand ministre, si nous pouvions le soupçonner un moment d'avoir eu la moindre part à de tels systèmes, qui nous paraissent enfantés par un écrivain bien indigne du grand nom qu'il usurpe. Nous pensons que, pour peu qu'on ait de justice, on doit des remerciements à celui qui nous a ouvert les yeux.

Il reste à rechercher comment il s'est pu faire qu'on ait si longtemps attribué au cardinal de Richelieu ce Testament poli- tique. Il est trop vrai, comme l'a dit M. de Voltaire', que bien qu'il y ait une foule immense de livres, on lit peu, et on lit mal : l'esprit se repose sur la foi d'un grand nom ; il est plus aisé et plus commun de croire que d'examiner ; le temps donne de l'au- torité à l'erreur ; ceux qui la combattent trop tard passent pour téméraires, et on emploie quelquefois, pour la soutenir, toutes les armes dont on ne devait se servir que pour défendre la vérité.

Enfin, pour résumer tout ce que nous avons dit, nous pensons que M. de Foncemagne a saisi le vrai en faisant voir que le car- dinal de Richelieu commanda, lut, et margina son manifeste sous le nom de Narration succincte; et que M, de Voltaire a prouvé que le Testament politique, joint à cette narration, n'est ni ne peut être l'ouvrage d'un ministre dont le nom sera toujours illustre, et qui nous devient cher de jour en jour par les mérites et les services des héritiers de son nom et de sa gloire,

1. Tome XXIV, pages 235 et 582-584.

FIN DE l'arbitrage.

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