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LES ANCIENS

ET LES MODERNES

OU
LA TOILETTE DE MADAME DE POMPADOUR[1].
(1765)

madame de pompadour

Quelle est donc cette dame au nez aquilin, aux grands yeux noirs, à la taille si haute et si noble, à la mine si fière et en même temps si coquette, qui entre à ma toilette sans se faire annoncer, et qui fait la révérence en religieuse ?

tullia

Je suis Tullia, née à Rome il y a environ dix-huit cents ans ; je fais la révérence à la romaine, et non à la française ; je suis venue je ne sais d’où pour voir votre pays, votre personne et votre toilette.

madame de pompadour

Ah ! madame, faites-moi l’honneur de vous asseoir. Un fauteuil à madame Tullia.

tullia

Qui ? moi, madame, que je m’asseye sur cette espèce de petit trône incommode, pour que mes jambes pendent à terre et deviennent toutes rouges.

  1. La scène se passe en 1753, année de la reprise de Castor et Pollux : mais l’ouvrage est de quelques années plus tard. Il n’est pas à croire qu’il ait été composé du vivant de Mme de Pompadour, qui mourut le 14 avril 1764. Catherine II, dont Voltaire fait l’éloge (page 454), ne monta sur le trône de Russie qu’en juillet 1762. Les Anciens et les Modernes sont dans le troisième volume des Nouveaux Mélanges, daté de 1765, et qui ne parut qu’à la fin de cette année, comme on le voit par la lettre à Damilaville, du 6 janvier 1766. (B.)