Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/462

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
LES ANCIENS

madame de pompadour

Comment vous asseyez-vous donc, madame ?

tullia

Sur un bon lit, madame.

madame de pompadour

Ah ! j’entends ; vous voulez dire sur un bon canapé. En voilà un sur lequel vous pouvez vous étendre fort à votre aise.

tullia

J’aime à voir que les Françaises sont aussi Lien meublées que nous.

madame de pompadour

Ah ! ah ! madame, vous n’avez point de bas : vos jambes sont nues ! vraiment elles sont ornées d’un ruban fort joli, en forme de brodequin.

tullia

Nous ne connaissons point les bas ; c’est une invention agréable et commode que je préfère à nos brodequins.

madame de pompadour

Dieu me pardonne ! madame, je crois que vous n’avez point de chemise !

tullia

Non, madame, nous n’en portions point de notre temps.

madame de pompadour

Et dans quel temps viviez-vous, madame ?

tullia

Du temps de Sylla, de Pompée, de César, de Caton, de Catilina, de Cicéron, dont j’ai l’honneur d’être la fille ; de ce Cicéron qu’un de vos protégés[1] a fait parler en vers barbares. J’allai hier à la Comédie de Paris ; on y jouait Catilina et tous les personnages de mon temps : je n’en reconnus pas un. Mon père m’exhortait à faire des avances à Catilina ; je fus bien surprise. Mais, madame, il me semble que vous avez là de beaux miroirs, votre chambre en est pleine. Nos miroirs n’étaient pas la sixième partie des vôtres. Sont-ils d’acier ?

madame de pompadour

Non, madame ; ils sont faits avec du sable, et rien n’est si commun parmi nous.

tullia

Voilà un bel art ; j’avoue que cet art nous manquait. Ah ! le joli tableau que vous avez là !

  1. Crébillon, auteur de Catilina, etc., etc.