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DIATRIBE


À L’AUTEUR DES ÉPHÉMÉRIDES[1]




10 mai 1775.
Monsieur

,

Une petite société de cultivateurs, dans le fond d’une province ignorée, lit assidûment vos Éphèmèrides, et tâche d’en profiter. L’auteur du Siège de Calais[2] obtint de cette ville des lettres de bourgeoisie pour avoir voulu élever l’infortuné Philippe de Valois au-dessus du grand Édouard III, son vainqueur. Il s’intitula toujours citoyen de Calais. Mais vous nous paraissez par vos écrits le citoyen de l’univers.

Oui, monsieur, l’agriculture est la base de tout, comme vous l’avez dit, quoiqu’elle ne fasse pas tout. C’est elle qui est la mère de tous les arts et de tous les biens. C’est ainsi que pensaient le premier des Catons dans Rome, et le plus grand des Scipions à Linterne. Telle était avant eux l’opinion et la conduite de Xénophon chez les Grecs, après la retraite des Dix mille.

La religion même n’était fondée que sur l’agriculture. Toutes les fêtes, tous les rites n’étaient que des emblèmes de cet art, le

  1. Les Nouvelles Éphémérides économiques (par l’abbé Bandeau) parurent, de 1774 à 1776, en dix-neuf cahiers ou volumes in-12. C’est à cet ouvrage, qui fait suite aux Éphémérides du citoyen (dont on a parlé tome XXVIII, page 327), qui ont soixante-neuf volumes, de 1765 à 1772, que s’adresse la Diatribe, de laquelle il est question dans la lettre à Mme du Deffant, du 17 mai 1775. Un arrêt du conseil, du 19 auguste, ordonna la suppression de la Diatribe comme scandaleuse et calomnieuse, contraire à la religion et à ses ministres. Le Mercure du mois d’auguste, de la même année, contient de la Diatribe un assez long extrait rédige par Laharpe, et qui blessa aussi l’autorité. Un nommé Louvel, qui était censeur du Mercure, fut, par le même arrêt du 19 auguste, rayé de la liste des censeurs royaux, en punition d’avoir donné son Approbation au cahier du Mercure qui contenait l’article de Laharpe sur la Diatribe. (B.)
  2. Du Belloy.