Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/575

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couché ensemble pendant dix-huit ans. Ainsi Henri VIII d’Angleterre mentit inutilement devant les légats de Clément VII, et l’on sait assez comment la nation fut amenée à secouer un joug odieux qui forçait les hommes au parjure : tant il est vrai que les poisons les plus mortels peuvent se tourner quelquefois en nourriture bienfaisante !

Ainsi le grand Henri IV, en France, et Marguerite sa femme, furent obligés de mentir tous deux [1] pour mettre sur le trône l’infortunée Marie de Médicis. Ainsi Isabelle de Nemours, reine de Portugal, mentit plus impudemment encore pour quitter son mari et pour épouser son beau-frère.

Voilà à quoi des royaumes sont exposés quand on n"a pas assez de bon sens et de courage pour anéantir à jamais un code réputé sacré, qui est en effet la honte des lois et la subversion des États. Mais les nations judicieuses qui prononcent le divorce des conjoints adultères doivent-elles y ajouter la peine de mort ? N’y a-t-il pas là une contradiction funeste ? Le mari et la femme pouvont donner chacun de leur côté des citoyens à l’État, et il est clair qu’ils ne lui en donneront pas si vous les faites mourir.

Si nous osions un moment élever notre faible intelligence jusqu’à la sphère d’une lumière inaccessible, nous dirions que le Dieu des vengeances, qui punissait autrefois quatre générations pour la transgression d’un seul homme, et qui punit aujourd’hui pendant l’éternité, a pourtant pardonné à la femme adultère.

On n’a point encore retranché expressément de nos lois consistoriales cette ordonnance qui prescrit le divorce entre deux personnes dont l’une est attaquée de la lèpre ; « d’autant que par la loi divine il est expressément dit que les lépreux doivent être séparés des personnes saines ».

Nous ne connaissons point la lèpre. C’était une gale virulente, commune dans un climat brûlant, chez un peuple errant alors dans des déserts, et privé de toutes les commodités de la vie, qui servent à guérir cette maladie dégoûtante. Il ne semble pas convenable de conserver une loi qui n’est pas plus faite pour nous que cette autre loi juive qui condamnait à mort deux époux ayant rempli les devoirs du mariage dans le temps que la femme avait ses règles.

  1. Voyez tome XVIII, page 411.