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ACTE II, SCENE VII. 227

Voyez comme, dès ce moment, les défauts précédents dispa- raissent. Quelle beauté dans le poëte espagnol et dans son imita- teur! Le premier mot de Cliimèneest de demander justice contre un homme qu'elle adore : c'est peut-être la plus ])elle des situa- tions. Quand, dans l'amour, il ne s'agit que de l'amour, cette passion n'est pas tragique. Monime aimera-t-elle Xipliarès ou Pharnace?Antiocliusépousera-t-il Bérénice? Bien des gens répon- dent: Que m'importe? Mais Cliimène fera-t-elle couler le sang du Cid?Qui l'emportera d'elle ou de don Diègue? Tous les esprits sont en suspens, tous les cœurs sont émus.

Vers 2. Je me jette à vos pieds.

Rey, à tus pies he llegado.

Ibid. J'embrasse vos genoux.

Rey, â tus pies lie venido.

Vers 6. Il a tué mon père.

Senor, â mi padre han muerto.

Vers 7. Au sang de ses sujets un roi doit la justice. Habrâ en los reyes juslicia.

Vers 8. Une vengeance juste est sans peur du supplice ^ Justa venganza he tomado.

Vers '13. Sire, mon père est mort; mes yeux ont vu son sang...

Yo vi con mis proprios ojos Teâido el luciente acero.

Vers '17. Ce sang qui, tout sorti, fume encor de courroux-

De se voir répandu pour d'autres que pour vous, etc.

Scudéri ne reprit point ces hyperboles poétiques qui, n'étant point dans la nature, afîaiblissent le pathétique de ce discours. C'est le poëte qui dit que ce sang fume de courroux; ce n'est pas assurément Chimène : on ne parle pas ainsi d'un père mourant. Scudéri, beaucoup plus accoutumé que Corneille à ces figures outrées et puériles, ne remarqua pas même en autrui, tout éclairé

1. On lit dans l'édition de tG64 :

Pour la juste vengeance il n'est point de supplice. "1. Voltaire cite encore ces vers tome XIX, pages 17 et 40.

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