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ACTE I, SCKNH II. o4t

Vers 9. Je vois dans le hasard tous les biens que j'espère

est impropre et louche. Voir dans le hasard ne signifie pas : Mon bien est an hasard, mon bien est liasardè. Cette expression n'est pas française.

Vers 13. Donc pour moins hasarder, j'aime mieux moins prétendre.

Donc ne doit presque jamais entrer dans un vers, encore moins le commencer. Quoi donc se dit très-bien, parce que la syllabe quoi adoucit la dureté de la syllabe donc.

Racine a dit ':

Je suis donc un témoin do leur peu de puissance.

Mais remarquez que ce mot est glissé dans le vers, et que sa rudesse est adoucie par la voyelle qui le suit. Peu de nos auteurs ont su employer cet enchaînement harmonieux de voyelles et de consonnes. Les vers les mieux pensés et les plus exacts rebutent quelquefois. On enignore la raison ; elle vient du défaut d'har- monie.

Vers 14. Et pour rompre le coup que mon cœur n'ose attendre.

J'ai déjà remarqué ^ qu'on ne rompt point un coup : on le pare, on le détourne, on l'affaiblit, on le repousse; de plus, on prononce ces mots comme rompre le cou : il faut éviter cette équivoque. Si l'expression rompre un coup est prise des jeux, comme par exemple du jeu de dés, où l'on dit rompre le coup quand on arrête les dés de son adversaire, cette figure alors est indigne du style noble.

Vers io. Lui cédant de deux biens le plus brillant aux yeux, M'assurer de celui qui m'est plus précieux.

On est étonné d'abord qu'un prince cède un trône pour avoir une femme. Cette seule idée fit tomber Pertharite, qui redeman- dait sa propre épouse, et dont la vertu pouvait excuser cette fai- blesse. Mais, dans Poiharitc, cette cession est la catastrophe. Ici elle commence la pièce. Antiochus est déterminé par son amitié pour son frère Séleucus, ainsi que par son amour pour Rodo- gune. Ce qui déplaît dans Pertharite ne déplaît pas ici. Tout dépend des circonstances où l'auteur sait mettre ses personnages. Peut-être eût-il fallu qu'Antiochus eût paru éperdument amou- reux, et qu'on s'intéressât déjà à sa passion, pour qu'on excusât davantage ce début, par lequel il renonce au trône.

1. Andrumaque, acte II, scène ii.

2. Page 375.

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