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ACTE I, SCÈNE IL 249

Vers 4i. A qui dévoreroit ce règne d'un moment.

La beauté de ce vers consiste dans cette métaphore rapide du mot dévorer: tout autre terme eût été faible : c'est là un de ces mots que Despréaux appelait trouvés. Racine est plein de ces expressions dont il a enrichi la langue. Mais qu'arrive-t-il ? Bien- tôt ces termes neufs et originaux, employés par les écrivains les plus médiocres, perdent leur premier éclat qui les distinguait ; ils deviennent familiers : alors les bommes de génie sont obliges de cliercher d'autres expressions, qui souvent ne sont pas si heu- reuses. C'est ce qui produit le style forcé et sauvage dont nous sommes inondés. Il en est à peu près comme des modes : on invente pour une princesse une parure nouvelle; toutes les femmes l'adoptent ; on veut ensuite renchérir, et on invente du bizarre plutôt que de l'agréable.

Vers 91. Il se vengeroit même à la face des dieux.

.1 la face clés dieux est ce qu'on appelle une cheville; il ne s'agit point ici de dieux et d'autels. Ces malheureux hémistiches qui ne disent rien, parce qu'ils semblent en trop dire, n'ont été que trop souvent imités.

Vers 102. Seigneur, en moins de rien il se fait des miracles

est un vers comique; mais ces petits défauts, qui rendraient une mauvaise scène encore plus mauvaise, n'empêchent pas que celle-ci ne soit claire, vigoureuse, attachante : trois mérites très- rares dans les expositions.

Cette première scène d'Othon prouve que Corneille avait en- core beaucoup de génie. Je crois qu'il ne lui a manqué que d'être sévère pour lui-même, et d'avoir des amis sévères. Un homme capable de faire une telle scène pouvait assurément faire encore de bonnes pièces. C'est un" très-grand malheur, il faut le redire, que personne ne l'avertît qu'il choisissait mal ses sujets, que ces dissertations politiques n'étaient pas propres au théâtre, qu'il fallait parler au cœur, observer les règles de la langue, s'expri- mer avec clarté et avec élégance, ne jamais rien dire de trop, préférer le sentiment au raisonnement : il le pouvait ; il ne l'a fait dans aucune de ses dernières pièces. Elles donnent de grands regrets.

SCÈNE II.

Vers 1 . Je crois que vous m'aimez, seigneur, et que ma fille Vous fit prendre intérêt en toute la famille, etc.

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