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ACTE II, SCÈNE V. 333

rompre; elle devait être surprise d'une telle folie. Quoi: un membre ordinaire de la chambre haute, convaincu d'avoir voulu en vain exciter une sédition, ose dire qu'il pouvait se faire roi! Si la chose dont il se vante si imprudemment est fausse, la reine ne peut voir en lui qu'un homme réellement fou; si elle est vraie, ce n'est pas là le temps de lui parler d'amour.

Vers 0" Et qu'avoit fait ta reine

Qui dût à sa ruine intéresser ta haine?

Elisabeth, dans ce couplet, ne fait autre chose que donner au comte d'Essex des espérances de l'épouser. Est-ce ainsi qu'Elisa- beth aurait répondu à un grand-maître de l'artillerie hors d'exer- cice, à un conseiller privé hors de charge, qui lui aurait fait en- tendre qu'il n'avait tenu qu'à ce conseiller privé de se mettre sur le trône d'Angleterre? Elisabeth à soixante et huit ans pouvait-elle parler ainsi ? Cette idée choquante se présente toujours au lecteur instruit.

Vers 94. Le trône te plairoit, mais avec ma rivale.

Cette rivale imaginaire qu'on ne voit point rend les reproches d'Elisabeth aussi peu convenables que les discours d'Essex sont inconséquents. Si cette Suffolk a quelques droits au trône, si Essex a conspiré pour la faire reine, Elisabeth a donc dû s'assurer d'elle. Thomas Corneille a bien senti en général que la rivalité doit exciter la colère, que l'intérêt d'une couronne et celui d'une passion doivent produire des mouvements au théâtre; mais ces mouvements ne peuvent toucher quand ils ne sont pas fondés. Une conspiration, une reine en danger d'être détrônée, une amante sacrifiée, sont assurément des sujets tragiques; ils cessent de l'être dès que tout porte à faux.

Vers 409 J'accepterois un pardon? Moi, madame?

Cela est beau, et digne de Pierre Corneille. Ce vers est sublime parce que le sentiment est grand, et qu'il est exprimé avec sim- plicité ; mais quand on sait qu'Essex était véritablement coupable, et que sa conduite avait été celle d'un insensé, cette belle ré- ponse n'a plus la même force.

Vers M 7. Vous le savez, madame, et l'Espagne confuse Justifie un vainqueur que l'Angleterre accuse.

En effet, le comte d'Essex était entré dans Cadix quand l'ami- ral Howard, sous qui il servait, battit la flotte espagnole dans ces parages. C'était le seul service un peu signalé que le comte

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