Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il nous semble que Corneille aurait pu s’épargner toutes les peines qu’il prend pour concilier Aristote avec lui-même. Nous n’entendons point ce que c’est que l’impossible croyable et le possible incroyable. On a beau donner la torture à son esprit, l’impossible ne sera jamais croyable ; l’impossible, selon la force du mot, est ce qui ne peut jamais arriver. C’est abuser de son esprit que d’établir de telles propositions ; c’est en abuser encore de vouloir les expliquer. C’est vouloir plaisanter de dire que, quand une chose est faite, il est impossible qu’elle ne soit pas faite, et qu’on n’y peut rien changer. Ces questions sont de la nature de celles qu’on agitait dans les écoles, si Dieu pouvait se changer en citrouille, et si, en montant à une échelle, il pouvait se casser le cou.

J’ai fait voir qu’il y a des choses sur qui nous n’avons aucun droit ; et pour celles où ce privilège peut avoir lieu, il doit être plus ou moins resserré, selon que les sujets sont plus ou moins connus.

Voilà tout le précis de cette dissertation ne changez rien d’important dans la mort de Pompée, parce qu’elle est connue de tout le monde ; changez, imaginez tout ce qu’il vous plaira dans l’histoire de Pertharite et de don Sanche d’Aragon, parce que ces gens-là ne sont connus de personne.

TROISIÈME DISCOURS.
DES TROIS UNITÉS. D’ACTION, DE JOUR, ET DE LIEU.

Je tiens donc… que l’unité d’action consiste dans la comédie en l’unité d’intrigue, ou d’obstacle aux desseins des principaux acteurs ; et en l’unité de péril dans la tragédie, soit que son héros y succombe, soit qu’il en sorte.

Nous pensons que Corneille entend ici, par unité d’action et d’intrigue, une action principale à laquelle les intérêts divers et les intrigues particulières sont subordonnés, un tout composé de plusieurs parties qui toutes tendent au même but. C’est un bel édifice, dont l’œil embrasse toute la structure, et dont il voit avec plaisir les différents corps.

Il condamne, avec une noble candeur, la duplicité d’action dans ses Horaces, et la mort inattendue de Camille, qui forme une pièce nouvelle. Il pouvait ne pas citer Théodore. Ce n’est pas la double action, la double intrigue, qui rend Théodore une mau-