Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque misérable qui babille sur la félicité, comme les Gresset, et d’autres pauvres diables qui suent d’ahan dans leurs greniers pour chanter dans la volupté et la paresse ?

Comment va le procès d’Orphée-Rameau et de Zoïle-Castel. Ce monstre d’abbé Desfontaines continue-t-il de donner ses malsemaines[1] ? Mais ce qui m’intéresse le plus, viendrez-vous nous voir ? Savez-vous ce que Quesnel-Arouet a donné à mon aimable nièce ? Dites-moi donc cela, car je veux lui disputer son droit d’aînesse. Mes compliments à ceux qui m’aiment ; de l’oubli aux autres. Vale ; je vous aime de tout mon cœur.


843. — À M. RAMEAU.
Mars[2].

Je vous félicite beaucoup, monsieur, d’avoir fait de nouvelles découvertes dans votre art, après nous avoir fait entendre de nouvelles beautés. Vous joignez aux applaudissements du parterre de l’Opéra[3] les suffrages de l’Académie des sciences[4] ; mais surtout vous avez joui d’un honneur que jamais, ce me semble, personne n’a eu avant vous. Les autres auteurs sont commentés d’ordinaire, des milliers d’années après leur mort, par quelque vilain pédant ennuyeux ; vous l’avez été de votre vivant, et on sait que votre commentateur[5] est quelque chose de très-différent, en toute manière, de l’espèce de ces messieurs.

Voilà bien de la gloire ; mais le révérend Père Castel a considéré que vous pourriez en prendre trop de vanité, et il a voulu, en bon chrétien, vous procurer des humiliations salutaires. Le zèle de votre salut lui tient si fort au cœur que, sans trop considérer l’état de la question, il n’a songé qu’à vous abaisser, aimant mieux vous sanctifier que vous instruire.

Le beau mot, sans raison, du Père Canaye[6] l’a si fort touché

    croyait devoir désavouer ces chefs-d’œuvre, afin de se soustraire à la haine des dévots, qui ne lui pardonnaient pas même la Henriade.

  1. Voyez tome XXXIII, page 341.
  2. Cette lettre est citée dans celle du 28 mars à Thieriot. On voit dans celle du 15 juin suivant (1738) que Voltaire, ami de Rameau, avait à se plaindre de Zoile-Castel.
  3. Allusion à la musique de Castor et Pollux.
  4. Cette académie, à laquelle Rameau, en 1737, avait dédié sa Génération harmonique, avait jugé, sur le rapport de trois de ses membres, que les vues de l’auteur de ce traité étaient nouvelles et dignes de l’attention du public.
  5. Ce n’est point un commentaire, mais seulement un extrait de l’ouvrage de Rameau, qu’avait donné Mme de La Popelinière ; voyez une note sur la lettre 628.
  6. Voyez la note 4, tome XXIII, page 564.