Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/574

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corriger les fautes d’impression qui sont dans leur livre et celles des éditeurs de Paris, et rendre par là leur édition complète. Elle sera alors infiniment au-dessus des autres éditions, tant par cette correction nécessaire qui s’y trouvera que par la beauté du papier, et pour les ornements. Je n’exige point ce nouveau travail de la part des sieurs Ledet, comme le prix du présent que je leur ai fait de tous mes ouvrages ; je ne l’exige que pour leur propre bien, et je payerai même très-volontiers les frais des cartons qu’il faudra faire.

Qu’il me soit permis de proposer ici à tous les éditeurs de livres une idée qui me paraît assez utile au bien de la littérature : c’est que, dans les livres d’instruction, quand il se trouve des fautes soit de copiste, soit d’imprimeur, qui peuvent aisément induire en erreur des lecteurs peu au fait, on ne doit point se contenter d’indiquer les fautes dans un errata ; mais alors il faut absolument un carton. La raison en est bien simple ; c’est que le lecteur n’ira point certainement consulter un errata pour une faute qu’il n’aura point aperçue. Toutes les fois encore qu’une faute n’ôte rien au sens et à la construction d’une phrase, mais forme un sens contraire à l’intention de l’auteur, ce qui arrive très-souvent, un carton est indispensable.

Il est rapporté qu’un célèbre avocat fut mis en prison pour avoir imprimé dans un factum cette phrase : le roi n’avait pas été sensible à la justice… L’imprimeur avait mis sensible pour insensible ; et cette syllabe de moins fut la cause des malheurs d’un honnête homme. Un errata, dans ce cas, eût été une faute presque aussi grande.

Je crois même que les livres en vaudraient beaucoup mieux, si les libraires qui se chargent de les imprimer en pays étrangers envoyaient le premier exemplaire de leur édition aux auteurs avant de mettre le livre en vente, et s’ils leur donnaient par là le temps de les corriger. Car il est certain que, quand on voit son ouvrage imprimé et dans la forme dans laquelle le public doit le juger, on le voit avec des yeux plus éclairés ; on y aperçoit des fautes qu’on n’avait pas vues dans le manuscrit ; et la crainte d’être indigne des juges devant lesquels on va paraître produit de nouveaux efforts et de nouvelles beautés. Pour moi, je ne répondrais que de mes nouveaux efforts ; et, comme il n’est pas juste que les libraires en portent la dépense, je payerai très-volontiers à mes libraires, à qui j’ai déjà fait présent de mes ouvrages, tous les changements que je voudrais y faire. Je suis si peu content de tout ce que j’ai écrit que j’aurai très-grande