Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/160

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Sohr[1], et seraient vendues dans Paris ? On prit l’équipage du roi de Prusse dans cette bataille, au lieu de prendre sa personne ; on porta sa cassette au prince Charles. Il y avait dans cette cassette gris-rouge de l’avare force ducats avec cette Histoire universelle et des fragments de la Puccelle. Un valet de chambre du prince Charles a vendu l’Histoire à Jean Néaulme, et les papillotes de la Pucelle sont à Vienne. Tout cela compose une drôle de destinée. Je souffre autant que Scarron, et barbouille autant de papier que saint Augustin. J’avais fait une Histoire de l’Empire que Mme la duchesse de Saxe-Gotha m’avait commandée comme on commande des petits pâtés ; j’avais cousu, dans cette Histoire del’Empire, quelques petits lambeaux de l’universelle. J’étais en droit d’employer mes matériaux. Jean Néaulme me coupe la gorge ; comment voulez-vous que je songe à Jean[2] Lekain ? Je ne songe à présent qu’à la cuisse de ma nièce et à mon pied de Philoctète, mais surtout à vous, mon cher ange, à Mme d’Argental, et à vos amis. Je vous embrasse bien tendrement. J’ai besoin d’une tête comme la vôtre pour supporter tous les chagrins dont je suis circonvenu, et malheureusement je n’ai que la mienne. Mon cœur, qui est plus sain, vous adore.


2673. — À M. DE MALESHERBES[3].
À Colmar, 25 décembre.

Parmi les barbouilleurs de papier qui font des vœux pour M. de Malesherbes, qui lui souhaitent des années heureuses et qui l’ennuient, il en est un, sur les bords du Rhin, qui lui est attaché avec un respect aussi tendre que toute la rue Saint-Jacques ensemble[4]. Il prend la liberté de lui envoyer les feuilles ci-jointes. Si M. de. Malesherbes daigne les parcourir, on lui demande bien pardon de lui faire perdre ce temps, et on le remercie très-humblement de son indulgence.


2674. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[5].
À Colmar, 26 décembre.

Madame, voici dans quel goût est imprimé l’ouvrage commandé par Votre Altesse sérénissime ; j’attends ses ordres pour

  1. Le 30 septembre 1745.
  2. Ceci était une plaisanterie. Les prénoms de Lekain étaient Henri-Louis.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. Quartier de la librairie, qui dépendait de l’administration de Malesherbes.
  5. Éditeurs, Bavoux et François.