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aux jésuites de Breslau. Rien n’est donc plus sensible ici pour moi que d’apprendre, par les premières personnes de l’Église, de l’épée, et de la robe, que la conduite du père Merat n’a été ni selon la justice ni selon la prudence. Il aurait dû bien plutôt me venir voir dans ma maladie, et exercer envers moi un zèle charitable, convenable à son état et à son ministère, que d’oser se permettre des discours et des démarches qui ont révolté ici les plus honnêtes gens, et dont M. le comte d’Argenson, secrétaire d’État de la province, qui a de l’amitié pour moi depuis quarante ans, ne peut manquer d’être instruit. Je suis persuadé que votre prudence et votre esprit de conciliation préviendront les suites désagréables de cette petite affaire. Le père Merat comprendra aisément qu’une bouche chargée d’annoncer la parole de Dieu ne doit pas être la trompette de la calomnie, qu’il doit apporter la paix et non le trouble, et que des démarches peu mesurées ne pourront inspirer ici que de l’aversion pour une société respectable qui m’est chère, et qui ne devrait point avoir d’ennemis.

Je vous supplie de lui écrire ; vous pourrez même lui envoyer ma lettre, etc.


2696. — À M. LE COMTE D’ARGENSON[1].
À Colmar, le 20 février.

Votre bibliothèque souffrira-t-elle ce rogaton ? Je vous supplie, monseigneur, de faire relier cette Préface[2] avec cette belle Histoire. Voudriez-vous bien avoir la bonté de donner l’exemplaire ci-joint à M. le président Hénault, comme à mon confrère à l’Académie et mon maître en histoire ? Pardonnez-moi cette liberté.

Ouoique je ne sois pas sorti de mon lit ou de ma chambre depuis trois mois, je ne suis pas moins enchanté de votre Haute-Alsace ; on y est pauvre, à la vérité, mais l’évêque de Porentru a deux cent mille écus de rente, et cela est juste. Les jésuites allemands gouvernent son diocèse avec toute l’humilité dont ils sont capables. Ce sont des gens de beaucoup d’esprit. J’ai appris qu’ils firent brûler Bayle à Colmar, il y a quatre ans. Un avocat

  1. Et non au marquis de Paulmy, comme cela ressort de la lettre même : voyez les Mémoires du marquis d’Argenson, édition P. Jannet, tome V, page 54.
  2. Voyez cette Préface, tome XXIV, page 41.