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Je n’ay jamais rien fait contre vous, rien écrit, rien dit ; j’ay cru même indigne de moy de répondre un mot à toutes les impertinences que jusqu’icy vous avez répandues, et j’ay mieux aimé laisser courir des histoires de M. de La Beaumelle, dont j’avais le désaveu de lui par écrit, et cent autres faussetés que vous avez débitées pour tâcher de colorer votre conduite à mon égard, que de soutenir une guerre aussi indécente ; la justice que m’a fait le Roy de vos premiers écrits, ma maladie, et le peu de cas que je fais de mes ouvrages ont pu jusqu’ici justifier mon indolence.

Mais s’il est vray que votre dessein soit de m’attaquer encore, et de m’attaquer comme vous avez déjà fait par des personalités, je vous déclare qu’au lieu de vous répondre par des écrits ma santé est assez bonne pour vous trouver partout où vous serez et pour tirer de vous la vengeance la plus complette.

Rendez grâce au respect et à l’obéissance qui ont jusqu’icy retenu mon bras, et qui vous ont sauvé de la plus malheureuse aventure qui vous soit encore arrivée[1].


2540. — À M. GOTTSCHED[2],
à leipsick[3].
4 avril 1753.

Je renvoie, monsieur, le manuscrit que vous m’avez fait l’honneur de me confier. Je n’y ai corrigé que les fautes de langage[4]. J’ai aperçu à travers la traduction la plus sublime poésie et les

  1. Voyez cette lettre plaisamment résumée par Voltaire, et la réponse dans l’Akakia, tome XXIII, pages 581 er suivantes.
  2. Christian Gottsched, né en 1700, près de Kœnigsberg en Prusse, mort en 1766, enseigna les belles-lettres avec un grand succès à l’Université de Leipsick depuis 1730, et peut être considéré comme l’un des principaux maîtres de la critique allemande au xviiie siècle. Il publia l’Éloquence académique à l’usage des écoles, Hanovre. 1728 ; un Essai d’art poétique pour les Allemands, Leipsick, 1730 ; une Histoire critique et littéraire de la langue allemande, 1732-1744 ; une Grammaire allemande, 1748 ; un Dictionnaire des arts libéraux, une tragédie de Caton ; deux recueils de poésies, 1736 et 1750, et plusieurs traductions.

    N. Kulmus, sa femme, avait aussi du goût pour la littérature, et traduisit plusieurs ouvrages anglais. (H. B.)

  3. Éditeur, H. Beaune. — « Cette lettre, dit-il, se trouve à la bibliothèque de l’Université de Leipsick. Elle nous a été obligeamment communiquée par M. Henri Wüttke, professeur à la Faculté des lettres de cette ville. »

    Beuchot a publié cette lettre (moins une ligne), sous le no 1972, avec cette adresse : « À un homme de lettres de Leipsick qui lui avait envoyé un Extrait traduit en français du psaume allemand dArminius. » Cet intitulé était emprunté à l’impression qui fut faite de cette lettre dans les Mélanges de littérature pour servir de supplément à la dernière édition des Œuvres de M. de Voltaire, 1768, in-8o et in-12, et dans le tome Ier de : Arminius ou la Germanie délivrée, poëme héroïque par le baron de Schonaich, traduit par M. E. (Eidous), 1769, deux parties in-12.

  4. Ligne omise dans les impressions antérieures.