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ai donné des leçons, de bouche et par écrit, tous les jours, dans les choses de mon métier. Un Tartare, un Arabe du désert ne m’aurait pas donné une si cruelle récompense. Ma pauvre nièce, qui est encore malade des atrocités qu’elle a essuyées, est un témoignage bien funeste contre lui. Il est inouï qu’on ait jamais traité ainsi la fille d’un gentilhomme, et la veuve d’un gentilhomme, d’un officier des armées du roi de France, et, j’ose le dire, une femme très-respectable par elle-même, et qui a dans l’Europe des amis. Si le roi de Prusse connaissait la véritable gloire, il aurait réparé l’action infâme qu’on a faite en son nom. Je demande pardon à Votre Altesse sérénissime de lui parler de cette triste affaire ; mais la bonté qu’elle a de s’intéresser au sort de ma nièce me rappelle tout ce qu’elle a souffert.

Je m’imagine que Votre Altesse sérénissime est actuellement dans son palais d’Altembourg avec monseigneur, et les princes ses enfants ; je me mets à vos pieds et aux leurs.

On m’a envoyé de Berlin une relation, moitié vers, et moitié prose, du voyage de Maupertuis et d’un nommé Cogolin. Ce n’est pas un chef-d’œuvre.

Recevez, madame, mes profonds respects et ma vive reconnaissance.


2777. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 3 août.

Mon divin ange, les eaux de Plombières ne sont pas si souveraines, puisqu’elles donnent des coliques à Mme d’Argental, et qu’elles m’ont attaqué violemment la poitrine ; mais peut-être aussi que tout cela n’est point l’effet des eaux. Qui sait d’où viennent nos maux et notre guérison ? Au moins les médecins n’en savent rien. Ce qui est sûr, c’est que Plombières a fait, pendant quinze jours[1], le bonheur de ma vie, et vous savez tous deux pourquoi. Cette année doit m’être heureuse. Je vous remercie pour Mariamne[2], et surtout pour Rome[3]. Les comédiens sont de grands butors s’ils ne savent pas faire copier les rôles. Voulez-vous que je vous envoie l’imprimé ? Dites comment, et il partira. Nos magots de la Chine n’ont pas réussi. J’en ai fait cinq : cela est à la glace, allongé, ennuyeux. Il ne faut pas faire un Versailles de Trianon ; chaque chose a ses proportions. Nous avons trouvé,

  1. Entre le 2 et le 18 juillet.
  2. Cette tragédie fut reprise le 4 août 1754.
  3. Rome sauvée ne fut pas reprise en 1754.