Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

votre humanité et à votre gloire. Je vous en conjure par le véritable respect que j’ai pour vous, daignez vous rendre à votre caractère encore plus qu’à la prière d’un homme qui n’a jamais aimé en vous que vous-même, et qui n’est malheureux que parce qu’il vous a assez aimé pour vous sacrifier sa patrie. Je n’ai besoin de rien sur la terre que de votre bonté. Croyez que la postérité, dont vous ambitionnez et dont vous méritez tant les suffrages, ne vous saura pas mauvais gré d’une action d’humanité et de justice.

En vérité, si vous voulez faire réflexion à la manière dont j’ai été si longtemps attaché à votre personne, vous verrez qu’il est bien étrange que ce soit vous qui fassiez mon malheur.

Soyez très-persuadé que celui que vous avez rendu si malheureux aura jusqu’à son dernier moment une conduite digne de vous attendrir.


2782. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
À Colmar, le 22. août.

Je veux vous écrire, ma chère nièce, et je ne vous écris point de ma main, parce que je suis un peu malade ; et me voilà sur mon lit sans en rien dire à votre sœur. J’espère que vous trouverez ma lettre à votre arrivée à Paris. Nous saurons si les eaux vous ont fait du bien, si vous digérez ; si vous et votre fils[1] vous faites toujours de grands progrès dans la peinture ; si l’abbé Mignot a obtenu enfin quelque bénéfice.

Vous allez avoir le Triumvirat[2] ; ainsi ce n’est pas la peine d’envoyer mes magots de la Chine[3]. Je ne peux d’ailleurs avoir absolument que trois magots : les cinq seraient secs comme moi ; au lieu que les trois ont de gros ventres comme des Chinois. Votre sœur en est fort contente. Ils pourront un jour vous amuser ; mais à présent il ne faut rien précipiter.

Ne hâtons pas plus nos affaires en France qu’à la Chine ; ne faites nul usage, je vous en prie, du papier[4] que vous savez ; nous avons quelque chose en vue, Mme Denis et moi, du côté de

  1. M. Dompierre d’Hornoy, alors âgé de douze ans. (Cl.)
  2. Tragédie de Crébillon.
  3. L’Orphelin.
  4. Relatif à l’acquisition d’une terre.