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qu’il donne des forces. Si vous pouviez voir mon état et nos embarras, vous auriez pitié de deux chétives créatures.


2814. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar, le 10 novembre.

Nous partons[1] pour Lyon, mon cher ange ; M. de Richelieu nous y donne rendez-vous. Je ne sais comment nous ferons, Mme Denis et moi ; nous sommes malades, très-embarrassés, et toujours dans la crainte de cette Pucelle. Nous vous écrirons dès que nous serons arrivés. Je dois à votre amitié compte de mes marches comme de mes pensées, et je n’ai que le temps de vous dire que je suis très-attristé d’aller dans un pays où vous n’êtes pas. Que n’êtes-vous archevêque de Lyon, solidairement avec Mme d’Argental ! Mille tendres respects à tous les anges.


2815. — DE L’ABBÉ DE PRADES[2].
Le 14 novembre (1754).

Le roi a reçu, monsieur, la lettre que vous avez eu l’honneur de lui écrire. Sa Majesié m’a ordonné de vous répondre que vous vous seriez adressé à elle avec raison pour lui demander un passe-port, si vous aviez dû venir dans quelque ville de ses États ; et qu’au reste Montpellier[3] étant situé dans un pays libre, tout le monde pouvait y aller lorsqu’il n’y avait aucun empêchement particulier. Le roi croyait que les conférences que vous

  1. Arrivé dans l’ancienne capitale de la haute Alsace au commencement d’octobre 1753, Voltaire quitta Colmar le 11 novembre 1754, après un séjour de plus de treize mois, y compris le temps passé par lui à Senones et à Plombières. Accompagné de Mme Denis et de Colini, il arriva à Lyon le 15 novembre, et y fut reçu avec enthousiasme. De là il se rendit à Genève, où il entra dans la soirée du 12 (et non du 21) décembre 1754, comme on le prouve dans une note de la lettre 2828.

    — Voltaire avait eu l’intention de s’établir aux environs de Colmar ; mais les intrigues des jésuites Merat, Kroust, Ernest, etc., concertées avec celles des confesseurs de la dauphine et du roi Stanislas, parvinrent à le dégoûter d’une ville où un brave iroquois jésuite, nommé Aubert, avait fait un auto-da-fé des Œuvres de Bayle, quelques années auparavant. (Cl.)

  2. Œuvrcs de Frédéric le Grand, Berlin, 1853. tome XXIII, page 6. — Cette lettre est tirée des archives du Cabinet de Berlin.
  3. Frédéric écrit à milord Maréchal, le 31 décembre 1754 : « Plus de Voltaire, mon cher milord. Ce fou est allé à Avignon, où ma sœur l’a mandé. Je crains fort qu’elle ne s’en repente bientôt. » Voltaire n’alla ni à Montpellier, ni à Avignon, mais seulement à Lyon, d’où il écrit au comte d’Argental, le 20 novembre 1754 : « J’ai été plus accueilli et mieux traité de la margrave de Baireuth, qui est encore à Lyon. »