Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/313

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Aimez, aimez, et régnez. avec nous ;
Le dieu des dieux est seul digne de vous.
Les fleurs immortelles
Ne sont qu’en nos champs ;
L’Amour et le Temps
Ici n’ont point d’ailes.
Aimez, aimez, et régnez avec nous,

(Acte III.)

On a substitué à ces vers :


Les Grâces
Sont sur vos traces ;
Régnez,
Triomphez ;
Un tendre amour
Veut du retour.


C’est ainsi que tout l’opera est défiguré. Je demande justice, et la justice consiste à faire savoir le fait.

Tandis que Royer me mutile, la nature m’accable de maux, et la fortune me conduit dans un château solitaire, loin du genre humain, en attendant que je puisse aller chercher aux bains d’Aix en Savoie une guérison que je n’espère pas. Je vous rends compte de toutes les misères de mon existence. Ce ne sont ni les acteurs de Lyon, ni le parterre, ni le public, qui m’ont fait abandonner cette belle ville. Je vous dirai en passant qu’il est plaisant que vous ayez à Paris Drouin et Bellecour, tandis qu’il y a à Lyon trois acteurs[1] très-bons, et qui deviendraient à Paris encore meilleurs ; mais c’est ainsi que le monde va. Je le laisse aller, et je souffre patiemment. Je souhaite que ma nièce ait toujours assez de philosophie pour s’accoutumer à la solitude et à mon genre de vie. Je ne suis point embarrassé de moi, mais je le suis de ceux qui veulent bien joindre leur destinée à la mienne : ceux-là ont besoin de courage. Adieu : je vous embrasse mille fois.


2833. — À M. DE BRENLES.
Au château de Prangins, près Nyon, 20 décembre.

Je crains, monsieur, que vous ne soyez malade comme moi. Mme Goll m’avait fait craindre pour votre poitrine, et rien ne

  1. Dauberval en était un. Il joua plus tard à la Comédie-Française.