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de Zadig avec le vendeur de fromage à la crème, m’ont fait supporter avec moins d’impatience une fièvre chaude continue qui a duré vingt-six jours.

L’article de Pic de La Mirandole[1] me parait très-bien traité, et les réflexions sont aussi justes qu’elles puissent l’être. Je ne sais si vous n’excusez pas trop les usurpations, ainsi dites, sous les premiers empereurs. Il est sûr qu’ils confiaient la direction de quelques provinces à ceux qui possédaient les premières charges de leur cour, et que leur intention n’était certainement pas de laisser ces pays à ceux qui les gouvernaient, et encore moins de les rendre héréditaires dans leurs familles. Vous avez très-raison de dire que les Allemands avaient des princes avant que d’avoir des empereurs ; mais ce ne sont, autant qu’il m’en souvient, ni ces princes ni leurs successeurs qui se sont remis en possession de leurs anciennes dominations. Je plaide contre ma propre cause ; mais, par bonheur, beati possidentes.

J’attends avec bien de l’empressement le nouvel ouvrage[2] d’histoire qui doit être conduit jusqu’à nos jours ; mais j’ai bien plus d’impatience d’en revoir l’auteur, et de l’assurer de la parfaite estime qui lui est due. Je suis, etc.


Charles-Théodore, électeur.

2838. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Prangins, pays de Vaud, 30 décembre.

Je vous souhaite une bonne année, mon cher ange, à vous, à Mme d’Argental, à M. de Pont-de-Veyle, à tous vos amis. Mes années seront bien loin d’être bonnes ; je les passerai loin de vous. Les bains d’Aix ne me rendront pas la santé ; je voudrais que l’envie de vous plaire me rendît assez de génie pour arranger les Chinois à votre goût ; mais l’aventure du Triumvirat[3] fait trembler les sexagénaires.


Solve senescentem · · · · · · · · · · · · · · ·

(Hor., lib. I, ep. i, v. 8.)

Il est vrai que le Triumvirat aurait réussi si j’avais été à Paris ; l’auteur ne sait pas l’obligation qu’il avait à ma présence pour son Catilina. On commence à me regarder actuellement comme un homme mort ; c’est ce qui fait que Nanine a réussi, en dernier lieu. Le mot de Proscription, qu’on lisait sur les décorations du Triumvirat, était fait pour moi. Cela me donne un peu de faveur.

  1. Voyez tome XII, page 180, chapitre cix, qui, dans les premières éditions était le lxxxviii.
  2. Voyez la lettre 2785.
  3. Voyez tome XXIV, page 362 : cette pièce de Crèbillon avait été représentée le 23 décembre.