Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/327

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dise qu’on ne m’en a jamais dicté qui m’aient fait autant de plaisir. On s’intéresse véritablement à vous, et on voudrait réussir dans cette affaire. Je crois (et cela soit dit entre nous) qu’on prépare une épître charmante, en vers, à M. d’Argenson. Ça sera un terrible coup, et je ne vois pas trop comment on y résistera, à moins que des intrigues bien fortes ne s’y mêlent. Notre philosophe a pris la chose à cœur, et je ne l’ai jamais vu agir avec autant de chaleur qu’il le fait pour votre prévôté, Voilà tout ce que j’avais à vous dire.

Me conservez-vous toujours votre amitié ? Mme Dupont veut-elle agréer ici mon respect ? Si le tendre attachement que j’ai pour vous peut m’attirer vos bontés, je suis l’homme le plus heureux de la terre. Je vous aime, et je vous aimerai toute ma vie.


2847. — M. DE BRENLES.
Prangins, le 12 janvier.

J’envoie à Monrion, monsieur, étant trop malade pour y aller moi-même. Je fais visiter mon tombeau,


· · · · · · · · · · · · · · · ut molliter ossa quiescant.

(Virg., ecl. x, v. 33.)

Dieu vous préserve, vous et Mme de Brenles, de venir voir un malade dans ce beau château, qui n’est pas encore meublé, et où il n’y a presque d’appartements que ceux que nous occupons ! On travaille au reste ; mais tout ne sera prêt qu’au printemps, et j’espère qu’alors ce sera à Monrion où j’aurai l’honneur de vous recevoir.

Je n’ai jamais lu Machiavel en français ; ainsi je ne peux vous en dire des nouvelles. Pour la cause de la disgrâce du surintendant Fouquet, je suis persuadé qu’elle ne vint que de ce qu’il n’était pas cardinal : s’il avait en l’honneur de l’être, il aurait pu voler l’État aussi impunément que le cardinal Mazarin ; mais n’étant que surintendant, et n’étant coupable que de la vingtième partie des déprédations de Son Éminence, il fut perdu. Je n’ai vu nulle part qu’il se fût flatté de devenir premier ministre. Colbert, qui avait été recommandé au roi par le cardinal, voulut perdre Fouquet pour avoir sa place, et il y réussit. Cette mauvaise manœuvre valut du moins à la France un bon ministre. Je ne sais pas si les ministres d’aujourd’hui seront aussi favorables à mon ami Dupont que je le désire ; j’ai fait tout ce que j’ai pu, et je serais fort étonné de réussir.

Mme Denis et moi nous vous faisons, aussi bien qu’à Mme de