Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus grands services. Il laisse une famille nombreuse, sans bien, désolée, et son malheur serait affreux si elle n’était appuyée du plus noble, du plus généreux, du plus aimable des hommes. Quand je vous dirai que ce protecteur est M. le duc de Nivernais, vous cesserez de la plaindre. Oui, les soins officieux qu’il daigne prendre pour elle m’attachent à lui pour toujours. Il est digne d’être aimé de vous ; mais je finis, car la douleur et l’admiration m’empêchent également de vous en dire davantage.

Je vous aime du fond de mon cœur.


Louis-Eugène, duc De Wurtemberg.

2913. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 4 mai.

Chœur des anges, prenez patience ; je suis entre les mains des médecins et des ouvriers, et le peu de moments libres que mes maux et les arrangements de ma cabane me laissent, sont nécessairement consacrés à cet Essai sur l’Histoire générale, qui est devenu pour moi un devoir indispensable et accablant, depuis le tort qu’on m’a fait d’imprimer une esquisse si informe d’un tableau qui sera peut-être un jour digne de la galerie de mes anges. Laissez-moi quelque temps à mes remèdes, à mes jardins, et à mon Histoire.

Dès que je me sentirai une petite étincelle de génie, je me remettrai à mes magots de la Chine. Il ne faut fatiguer ni son imagination, ni le public. Laissons attendre le démon de la poésie et le démon du public, et prenons bien le temps de l’un et de l’autre. Je veux chasser toute idée de la tragédie, pour y revenir avec des yeux tout frais et un esprit tout neuf. On ne peut jamais rien corriger son ouvrage qu’après l’avoir oublié. Quand je m’y mettrai, je vous parlerai alors de toutes vos critiques, auxquelles je me soumettrai autant que j’en aurai la force. Ce n’est pas assez de vouloir se corriger, il faut le pouvoir.

Permettez-moi cependant, mon cher et respectable ami, de vous demander si M. de Ximenès était chez vous quand on lut ces quatre actes. Nous sommes bien plus embarrassés, Mme Denis et moi, de ce que nous mande M. de Ximenès que de Gengis-kan et d’Idamé. Si ce n’est pas chez vous qu’il a lu la pièce, c’est donc Lekain qui la lui a confiée ; mais comment Lekain aurait-il pu lui faire cette confidence, puisque la pièce était dans un paquet à votre adresse, très-bien cacheté ? Si, par quelque accident que je ne prévois pas, M. de Ximenès avait eu, sans votre aveu, communication de cet ouvrage, il serait évident qu’on lui aurait