Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/388

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vieillesse soient troublés par tant de calomnies. Vous êtes à portée de me donner dans cette affaire des lumières et des conseils. Si ceux qui ont un manuscrit si défectueux voulaient avoir le véritable, ils ne feraient peut-être pas un mauvais marché. Il n’y a point de parti que je ne prenne, ni de dépense que je ne fasse très-volontiers, pour supprimer ce qu’on fait courir sous mon nom avec tant d’injustice. J’ose m’adresser à vous avec confiance, parce qu’il s’agit de faire une bonne action.

L’adresse de votre ancien et très-humble et obéissant serviteur est : À Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, aux Délices, près de Genève. C’est une maison, en effet, délicieuse, sur le lac et sur le Rhône. Ce sont des jardins charmants ; mais une pucelle porte le trouble partout.


2918. — À MADAME DE FONTAINE.
Aux Délices, 23 mai[1].

Il faut casser mes magots de la Chine, ma chère enfant ; l’infidélité qu’on m’a faite sur cette ancienne plaisanterie de la Pucelle d’Orléans empoisonne la fin de mes jours. On m’a envoyé quelques morceaux de cet ouvrage ; tout est défiguré, tout est plein de sottises atroces. Il n’y a ni rime, ni raison, ni bienséance. Cependant on m’imputera cette indigne rapsodie, et il m’arrivera la même chose que dans l’aventure de l’Histoire générale ; on imprimera ce que je n’ai pas fait, à la faveur de ce que j’ai fait. Le contraste de cet ouvrage avec mon âge et avec mes travaux me fait sentir la plus vive douleur. Je suis très-incapable de songer à une tragédie ; il faut la liberté d’esprit, et ce dernier coup m’étourdit. Si, par hasard, vous savez quelques nouvelles, si vous pouvez voir Darget et m’instruire, vous me ferez grand plaisir. J’aimerais mieux vous voir ici ; vous feriez ma consolation avec votre sœur. Comment vont les bénéfices de votre frère ? Si Jeanne

  1. La lettre que nous donnons ici comme entière n’est qu’un fragment d’une autre lettre qui, après avoir toujours figuré à cette place, avait été rejetée par M. Beuchot au 23 août. Or, M. Beuchot s’est trompé, non moins que ses devanciers. Il n’a pas vu que le commencement de la lettre suspectée est bien du 23 mai 1755, mais que la fin lui est étrangère et appartient à une lettre du 13 août. Si, maintenant, on détache d’une lettre du 2 juillet les deux derniers alinéas qui sont postérieurs à cette date, et si on reporte ces fragments au 23 août à titre de lettre entière, on aura, je crois, remis quelque ordre dans cette partie de la Correspondance. (G. A.)