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d’Arc avait fondé quelque bon prieuré, il serait juste qu’il le desservît : je lui souhaite des pucelles et des abbayes.


2919. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
24 mai.

Comptez, mon cher ange, que tant que j’aurai des mains et un petit fourneau encore allumé, je les emploierai à recuire vos cinq magots de la Chine. Soyez bien sûr qu’il n’y a que vous et les vôtres qui me ranimiez ; mais je vous avoue que mes mains sont paralytiques, et que ma terre de la Chine est à la glace. Par tout ce que j’apprends des infidélités de ce monde, il y a un maudit âne[1] qui me désespère. Vous l’avez, cet une, et vous savez qu’il est bien plus poli et bien plus honnête que celui qui court. J’ai relu le chant onzième[2] ; il y a depuis longtemps :


En fait de guerre, on peut bien se méprendre,
Ainsi qu’ailleurs ; mal voir et mal entendre
De l’hëroïne était souvent le cas,
Et saint Denis ne l’en corrigea pas.


Vous auriez eu la vraie leçon, si vous aviez apporté la défectueuse à Plombières.

Il y a dans le chant onzième[3] :


Ce que César sans pudeur soumettait
À Nicomède, en sa belle jeunesse ;
Ce que jadis le héros de la Grêce
Admira tant dans son Éphestion ;
Ce qu’Adrien mit dans le Panthéon :
Que les héros, ô ciel, ont de faiblesse !


Enfin je n’ai rien vu dans la bonne leçon que de fort poli et de fort honnête ; mais il arrivera sans doute que quelqu’une des détestables copies qui courent sera imprimée. Vous ne sauriez croire à quel point je suis affligé. L’ouvrage, tel que je l’ai fait il y a plus de vingt ans, est aujourd’hui un contraste bien désa-

  1. C’était alors le chant XIX de la Pucelle. Voyez les variante du chant XXI.
  2. Aujourd’hui le XIIIe.
  3. Dans les premières éditions, c’était au chant X que se lisaient les six vers transcrits par Voltaire, et qui sont aujourd’hui dans le XIIe.