Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/449

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à Genève, avec des Anglais, et il outrage impunément, dans ses livres, le roi, le ministère, et la nation. Voilà de bons citoyens dans ce siècle philosophe et calculateur.

Le prince de Wurtemberg avait auprès de lui un philosophe de cette espèce, qu’il me vantait fort, et qu’il mettait au-dessus de Platon ; ce sage[1] a fini par lui voler sa vaisselle d’argent.

Je ne vis plus qu’avec des Chinois. Mme Denis, du fond de la Tartarie, vous présente ses respects, et moi les miens. Je vous serai bien tendrement attaché tant que je vivrai. V.


2989. — À M. LE CONSEILLER TRONCHIN[2].
Aux prétendues Délices, 23 août.

Pardon, pardon ; j’ai très-bien compris la pancarte que monsieur votre frère m’a expliquée, et me voilà au fait. Il ne s’agit plus que d’employer à vivre doucement ce que vous voulez bien avoir la bonté de gouverner. Il faut embellir les Délices, rendre Monrion agréable, aller d’un bout du lac à l’autre, y boire votre vin, et oublier les Pucelles.

Il faudrait que tous les diables d’enfer fussent déchaînés pour que ce pucelage de trente années vînt me persécuter dans ma vieillesse.

J’ai cherché une solitude, un tombeau… Me l’enviera-t-on ?


2990. — À. M. THIERIOT.
Le 23 août.

Mon ancien ami, amusez-vous tant que vous pourrez avec une Pucelle ; cela est beau à votre âge. Il y a trente ans que je fis cette folie. Je vous ai envoyé la copie que j’avais depuis dix ans. Je ne puis songer à tout cela que pour en rougir. Dites aux gens qui sont assez bons pour éplucher cet ouvrage qu’ils commencent par critiquer sérieusement frère Jean des Entommeures et Gargantua.

Quant à mes cinq magots de la Chine, je les crois très-mal placés sur le théâtre de Paris, et je n’en attends pas plus de succès que je n’attends de reconnaissance des comédiens[3], à qui j’ai

  1. Nommé d’Han…, dans la lettre 2912.
  2. Revue suisse, 1855, page 278.
  3. Il paraît, d’après la lettre de Voltaire à d’Argental du 26 février 1756, que les comédiens, à cette époque, n’avaient pas encore remercié l’auteur de l’Orphelin de la Chine, représenté le 20 août 1755 avec le plus brillant succès.