Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/450

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fait présent de la pièce. Il y a longtemps que j’ai affaire à l’ingratitude et à l’envie. Je fuis les hommes, et je m’en trouve bien ; j’aime mes amis, et je m’en trouve encore mieux. Je voudrais vous revoir avant d’aller voir Pascal et Rameau[1], tutti quanti, dans l’autre monde.

Puisque vous voyez M. d’Argenson le philosophe[2], présentez-lui, je vous prie, mes respects.


2991. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
Aux Délices, 23 août[3].

Ma chère enfant, il fait bien chaud pour montrer cinq magots de la Chine à cinq cents Parisiens ; et la plupart des acteurs sont d’autres magots. Il est impossible que la pièce réussisse ; mais il est encore plus triste que tout le monde dispose de mon bien comme si j’étais mort. J’écris à M. d’Argenson et à Mme de Pompadour, touchant le nommé Prieur[4], qui a imprimé un manuscrit volé chez l’un ou chez l’autre. Ce manuscrit ne contient que des mémoires informes. Ce libraire est un sot, et le vendeur un fripon. Je n’ai à craindre que d’être défiguré : cela est toujours fort désagréable.

Adieu, ma chère nièce, votre sœur vous embrasse ; j’en fais autant. Nous vous aimons à la folie.


2992. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[5].
Aux Délices, près de Genève, le 23 août 1755.

Il est vrai, monsieur, que mon corps a fait un effort en se transportant à Gex, et mon âme en a fait un autre en barbouillant une tragédie chinoise. Je ne donne plus que des magots. Voilà comme on finit ; mais que voulez-vous qu’on fasse quand on se trouve entre des médecins et des apothicaires, des montagnes et des fripons ? Votre intendant m’a paru tout aussi aimable qu’à vous. Si mon goût décidait de mes marches, je viendrais bien

  1. Il y a là une erreur de copiste. Rameau ne mourut qu’en 1764.
  2. Le marquis d’Argenson.
  3. Cette lettre, dans Beuchot, faisait partie de la lettre du 2 juillet. Or il est à remarquer qu’à cette date Voltaire ne savait pas que l’Histoire de la guerre de 1741 avait été volée, et qu’il n’apprit que vers le 23 août le nom du libraire Prieur.
  4. Libraire à qui Ximenès avait vendu le manuscrit de la Guerre de 1741.
  5. Éditeur, Th. Foisset.