Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/475

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rebut, volées indignement et vendues à un libraire. Mon désespoir fut au comble, quand j’appris que vous-même vous pensiez que j’étais d’accord de cette manœuvre qui pouvait me perdre.

Mme de Pompadour et M. d’Argenson étaient les seuls qui avaient mon véritable manuscrit ; je les offensais, ainsi que le roi lui-même, si je le donnais au public dans les circonstances où est l’Europe.

Cependant ce manuscrit est près de paraître ; le libraire ne daigne pas seulement m’en avertir. On lui parle, il refuse de me consulter ; on mande enfin à Mme Denis, de plusieurs endroits différents, que l’auteur du larcin est connu, qu’il a vendu les brouillons de cet ouvrage, volé chez elle, vingt-cinq louis d’or ; que vous le savez ; que le libraire Prieur vous l’a avoué, comme à plusieurs autres personnes : le fait devient public. Que devait, que pouvait faire Mme Denis, que de vous écrire, monsieur, et d’écrire à Mme de Pompadour ? Elle vous soumet toute sa conduite ; elle ne fait pas une démarche sans vous en instruire ; elle compte sur votre amitié et sur votre justice ; elle fait tout pour m’épargner les suites funestes de ce larcin, qui seraient aussi cruelles que celles de cette prétendue Histoire universelle, volée de même, falsifiée de même, connue par toute l’Europe littéraire pour m’avoir été dérobée, et qui cependant m’a perdu auprès du roi.

Je suis très-persuadé, monsieur, que vous, qui êtes à la tête des lettres, vous ne voudrez point qu’un homme qui les a préférées à tout, et qui ne les cultiva que pour elles-mêmes, soit continuellement la victime de la calomnie et de la rapine : c’est une affreuse récompense. Je dois croire qu’une âme comme la votre entre dans ma juste douleur, bien loin de la redoubler.

M. d’Argenson m’avait flatté qu’il pouvait recevoir sous votre enveloppe ; vous me pardonnerez celle liberté.

J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


3016. — À M. LE COMTE D’ARGENSON.
Aux Délices, ou prétendues Délices, comme on dit
prétendus réformés, 12 septembre.

Les ministres n’ont guère le temps d’examiner les Magots de la Chine ; mais si le plus aimable de tous les ministres a le temps de voir, à Fontainebleau, la morale de Confucius, en cinq actes : si l’auteur chinois peut amuser une heure et demie celui qui,