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2567. — À M*** [LE COMTE DE STADION][1]’.
À Francfort-sur-le-Mein, au Lion-d’Or. le 5 juin.
(secréte.)

À qui puis-je mieux m’adresser qu’à Votre Excellence ? Elle m’a comblé de ses bontés, elle m’a procuré des marques de bienveillance de Leurs Majestés impériales, et je regarde aujourd’hui comme un de mes devoirs de n’implorer que sa protection. Je suis sûr du secret avec Votre Excellence ; elle verra de quelle nature est l’affaire dont il s’agit par la lettre[2] à cachet volant que je prends la liberté de mettre aux pieds de Sa sacrée Majesté l’empereur. Elle verra que ce qui se passe à Francfort est d’un genre bien nouveau ; elle sentira assez quel est mon danger de recourir à Sa sacrée Majesté, dans des conjonctures où tout est à craindre, avant qu’un étranger, qui ne connaît personne dans Francfort, puisse se soustraire à la violence.

J’espère que ma lettre et les ordres de Sa Majesté impériale pourront arriver à temps. Mais si vous avez la bonté, monsieur, de me protéger dans cette circonstance étonnante, je vous supplie que tout cela soit dans le plus grand secret. Celui que mon persécuteur, le sieur Freytag, ministre du roi de Prusse, garde soigneusement, prouve assez son tort et ses mauvais desseins. Je ne puis me défendre qu’avec le secours d’un ordre aussi secret adressé à Francfort à quelque magistrat attaché à Sa Majesté impériale : c’est ce que j’attends de l’équité et de la compassion de Votre Excellence.

Mon hôte, chez qui je suis en prison par un attentat inouï, m’a dit aujourd’hui que le ministre du roi de Prusse, le sieur

    grâce du roi. Après lui avoir répondu assez sêchement, je me retirai. Il parait souffreteux et affaissé ; est-ce une comédie qu’il joue ? ou bien a-t-il en effet toujours l’air d’un squelette ? Je n’en sais rien. S’il faisait venir ici ses autres ballots, qui courent le monde, j’aurais besoin d’un ordre ostensible ou d’une réquisition aux magistrats pour le faire arrêter dans toutes les formes.


    La croix et la clef, je les enverrai avec le livre.

    Je considère cette occasion comme un moment heureux, désiré depuis longtemps et qui me procure l’honneur d’entrer en correspondance avec vous, très-hautement et bien né, et de pouvoir vous assurer avec un attachement particulier et une véritable estime, que je suis, etc.

  1. Il est très-probable que cette lettre, imprimée en 1821, dans les Voyages de M. Delort aux environs de Paris, fut écrite (comme celles des 7 et 26 juin, et du 14 juillet 1753) au comte de Stadion, conseiller intime de l’empereur, et pour le moment ministre d’État de l’électeur de Mayence.
  2. La lettre qui vient après celle-ci.