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CORRESPONDANCE.

3067. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 28 novembre.

J’envoie, mon cher patron, à M. de Morancour, la réponse[1] de l’Académie française. L’édition que j’ai vue est l’ouvrage de la canaille. On a, dans Paris, le plus profond mépris pour ces manœuvres dont je me suis trop inquiété ici. Je crois qu’il faut laisser tomber ces misères dans l’oubli qu’elles méritent.

Voici la triste confirmation du désastre de Lisbonne[2] et de vingt autres villes. C’est cela qui est sérieux. Si Pope avait été à Lisbonne, aurait-il osé dire : Tout est bien ? Matthieu Garo[3] ne le disait que quand il ne lui tombait qu’un gland sur le nez. Adieu, encore une fois ; aimez un peu le pauvre malade, et tout sera bien pour lui.

3068. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 30 novembre.

Mes peines d’esprit, mon cher monsieur, sont aussi grandes que celles dont mon cœur est tourmenté. M. Polier de Bottens, instruit des chagrins que me donne l’édition de ce malheureux ouvrage si falsifié et si défiguré, me mande qu’il m’a prévenu par ses bons offices, et qu’il a assemblé le corps académique pour empêcher le débit de cette œuvre de ténèbres dans Lausanne. Il me mande aussi qu’il a écrit d’office à M. E…, membre du conseil souverain de Berne, pour le prier de faire à Berne les mêmes démarches qu’il a faites à Lausanne. On me confirme que l’édition qui parait est celle de Maubert. Je ne puis rien savoir de positif sur tout cela dans ma solitude, et dans mes quatre rideaux, au milieu de mes souffrances. J’aurais souhaité, en effet, qu’on eût pu prévenir le débit de cette rapsodie à Berne comme on l’a fait à Genève ; mais ce que je souhaite encore, c’est qu’il n’y ait point d’éclat. Je m’en rapporte, monsieur, avec confiance à votre amitié et aux bontés de Leurs Excellences, à qui M. de Paulmy[4] m’a recommandé. Il est certain que

  1. C’est la lettre n° 3064.
  2. 1er novembre 1755. Voyez, tome IX, le poëme de Voltaire ; et XV, page 335.
  3. La Fontaine, livre IX, fable iv.
  4. Le marquis de Paulmy, depuis la fin de 1748 jusqu’à celle de 1751, avait été ambassadeur en Suisse.