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3065. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 24 novembre.

Voilà, monsieur, une physique bien cruelle[2]. On sera bien embarrassé à deviner comment les lois du mouvement opèrent des désastres si effroyables dans le meilleur des mondes possibles ; cent mille fourmis, notre prochain, écrasées tout d’un coup dans notre fourmilière, et la moitié périssant sans doute dans des angoisses inexprimables, au milieu des débris dont on ne peut les tirer, des familles ruinées aux bouts de l’Europe, la fortune de cent commerçants de votre patrie abîmée dans les ruines de Lisbonne. Quel triste jeu de hasard que le jeu de la vie humaine ! Que diront les prédicateurs, surtout si le palais de l’inquisition est resté debout ? Je me flatte qu’au moins les révérends pères inquisiteurs auront été écrasés comme les autres. Cela devrait apprendre aux hommes à ne point persécuter les hommes : car, tandis que quelques sacrés coquins brûlent quelques fanatiques, la terre engloutit les uns et les autres. Je crois que nos montagnes nous sauvent des tremblements de terre.


3066. DE LOUIS-EUGÈNE,
prince de wurtemberg.
À Paris, le 27 novembre.

Je viens de recevoir dans le moment, monsieur, cet exemplaire imprimé de la Pucelle. Je me fais un scrupule de l’avoir autrement que par vous. Ainsi, je vous l’envoie tel qu’on me l’a apporté, sans l’avoir fait couper, et, par conséquent, sans l’avoir lu.

Je crois que vous serez convaincu maintenant qu’on vous trompait en vous assurant que j’en avais sept chants. Je ne veux vos ouvrages que par vos mains, et non par celles de vos ennemis, qui ont intérêt à les falsifier.

Je vous prie de m’aimer toujours un peu, et d’être persuadé de la tendre amitié avec laquelle je serai toujours, monsieur, votre très-humble et très-dévoué serviteur,


Louis-Eugène, duc de Wurtemberg.
  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le tremblement de terre de Lisbonne.