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J’en gémirai, Sulma : dans mon palais nourrie,
Tu fus en tous les temps le soutien de ma vie ;
Mais je serais barbare en t’osant proposer
De supporter un joug qui commence à peser, etc. [1].


Pleurera-t-elle, et quelquefois soupirera-t-elle, sans parler ? Passerâ-t-elle de l’attendrissement à la fermeté, dans les derniers vers du troisième acte ? Dira-t-elle bien non de la manière dont on dit oui ? Si elle fait tout cela, ce sera vous qu’il faudra remercier. La pièce est difficile à jouer ; elle a surtout besoin de deux vieillards qui soient naturels et attendrissants. Les succès dépendent entièrement des acteurs ; s’il y en avait trois ou quatre comme vous, vos parts seraient au moins de vingt mille livres.

M. de Thibouville a la bonté de se charger de bien des détails. Portez-vous bien ; je vous embrasse de tout mon cœur.

6784. — À M. DORAT.
4 mars.

Je ne sais, monsieur, si mon amour-propre corrompt mon jugement ; mais vos derniers vers me paraissent valoir mieux que les premiers : ils sont, à mon gré, plus remplis de grâces. Votre muse fait ce qu’elle veut ; je la remercie d’avoir voulu quelque chose en ma faveur, quoiqu’il y ait encore un coup de patte. Je vous jure, sur mon honneur, que je n’ai aucune connaissance des vers qu’on a faits contre vous : personne ne m’en a écrit un mot ; il n’y a que vous qui m’en parliez. Toutes ces sottises couvertes par d’autres sottises tombent dans un éternel oubli au bout de vingt-quatre heures. Je suis uniquement occupé de l’affaire de Sirven, dont vous avez peut-être entendu parler. Ce nouveau procès de parricide va être jugé au conseil du roi ; il m’intéresse beaucoup plus que les Scythes, dont je ne fais nul cas. Je n’avais destiné cet ouvrage qu’à mon petit théâtre ; mais on imprime tout : on a imprimé ce petit amusement de campagne. Les comédiens se repentiront probablement d’avoir voulu le jouer. J’ai donné un rôle à Mlle Durancy, à qui j’en avais promis un depuis très-longtemps. Je ne connaissais point Mlle Dubois ; je vis ignoré dans ma retraite, et j’ignore tout. Si j’avais été informé plus tôt de son mérite et de ses droits, j’au-

  1. Voyez tome VI, page 332.