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d’une accusation de parricide. Mon cher grand écuyer y est surtout intéressé pour l’honneur de son Languedoc. Pour moi, je m’intéresse plus aux Sirven qu’aux Scythes : je n’avais fait cette pièce que pour mon petit théâtre et pour mes chers Genevois, qui y sont un peu houspillés. M. et Mme de La Harpe la jouent très-bien ; elle nous fait un très-grand effet. Les changements que les anges nous proposent nous paraissent absolument impraticables : ce serait nous couper la gorge. Il faut donner la pièce telle qu’elle est, avec ses défauts ; mais il ne la faut donner que quand Mlle Durancy sera sûre de son rôle, et qu’elle aura appris à répandre et à retenir des larmes, et quand les deux vieillards sauront imiter la nature, ce qui est aussi rare dans ce tripot que dans celui de Nicolet.

Si le grand écuyer et le Grand Turc veulent se donner le plaisir des répétitions, ils feront un grand plaisir au Scythe, qui les embrasse de tout son cœur.

Il leur enverra incessamment la Guerre de Genève[1], dès qu’il en aura fait faire une copie. Cela peut amuser quelques moments ceux qui connaissent les masques.

6783. — À M. LEKAIN.
4 mars.

Je me flatte, mon cher ami, que vous aurez rétabli votre santé quand cette lettre vous parviendra. Je pense que, pour prévenir les éditions dont on me menace de tous côtés, vous devez au moins vous assurer de quatre ou cinq représentations avant Pâques ; mon libraire de Paris tiendrait alors la pièce toute prête pour la rentrée, supposé que cette pièce méritât d’être reprise ; sinon vous vous contenteriez de ces quatre ou cinq représentations, et il n’en serait plus parlé.

On dit que le public n’aime pas Dauberval, et que Grandval conviendrait mieux : c’est à vous à décider, et à faire ce que vous trouverez à propos. Sans vous rien ne se peut ni ne se doit faire. Prendrez-vous la peine, mon cher ami, d’adoucir la voix de Mlle, Durancy, surtout dans les premiers actes ? Baissera-t-elle les yeux quand il le faut ? Dira-t-elle d’une manière attendrissante :

Si la Perse a pour toi des charmes si puissants,
Je ne te contrains pas, quitte-moi, j’y consens ;

  1. Voyez ce poëme, tome IX.