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ANNÉE 1767
6830. — DE M. CASSEN[1].
Le 10 avril 1767.

Je comptais vous adresser mon mémoire pour la famille infortunée que vous protégez ; M. Damilaville a bien voulu s’en charger, et j’apprends indirectement par une lettre imprimée que vous avez lu cette défense ; je me reprocherais à présent mon silence, et je joins mes excuses à mes remerciements. Ce n’est que par mon zèle, monsieur, que mon ministère peut être utile à ces malheureuses victimes d’un aveugle préjugé ; mais elles peuvent compter sur toute son étendue ; il y a longtemps qu’on m’avait choisi pour être l’avocat des Sirven, et ce ne fut qu’au mois de janvier dernier qu’on me mit en état de faire les premiers pas ; depuis j’ai donné à cette affaire la préférence qu’elle mérite. Les malheureux ont toutes sortes de droits à nos travaux, et nous sommes trop payés par le bonheur de les défendre : c’est la gloire de notre profession, et le désintéressement dans ces occasions n’est que le payement d’une dette que tout avocat contracte, et qu’il s’empresse toujours d’acquitter. Ainsi, monsieur, je n’ai nul mérite personnel à cet égard ; un devoir n’est point une générosité.

L’intérêt que vous prenez à cette affaire est bien respectable ; le protecteur des Calas et des Sirven est ce grand homme dont tout l’univers admire les ouvrages ; la bonté de son cœur est aussi connue que l’étendue de son génie ; il fait des heureux, il protège l’innocence, et tous les moments de sa vie sont ainsi destinés au bonheur et à l’instruction de l’humanité ! Il y a longtemps, monsieur, que j’admire en vous cette disposition toujours renaissante de faire du bien ; né dans la même ville que M. Corneille, j’ai suivi tous ses pas, j’ai même été le confident de ses démarches, et je n’ai plus douté de sa félicité quand j’ai appris que vous adoptiez sa famille ; peut-être Mme Du puits se souvient-elle de mon nom, et je désire que ce soit pour être persuadée de tout l’intérêt que je prends à elle.

Je n’ose, monsieur, vous interrompre plus longtemps, et je vous supplie d’agréer les assurances du respectueux dévouement.

Cassen,
avocat au conseil.
6831. — À M. DAMILAVILLE.
10 avril.

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 3. Coqueley a certainement approuvé les infamies de Fréron sur la famille Calas, j’en suis certain ; mais, pour ne pas compromettre M. de Beaumont, retranchons ce passage. Je crois que vous pouvez très-bien faire imprimer la lettre[2] par Merlin, avec l’addition que je vous

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.
  2. Celle du 20 mars ; voyez n° 6804