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CORRESPONDANCE.

envoie ; cette publication me paraît essentielle. Au reste, les Welches sont bien welches ; mais il faut les forcer à goûter le noble et le simple. Ils commencent à n’aimer que les tours de passe-passe et les tours de force. Le goût dégénère en tout genre ; c’est aux Français à ramener les Welches. Je n’ai reçu encore ni le ballot, ni les mémoires pour Sirven, ni aucun envoi de Lyon. Je suis dans la position la plus désagréable et la plus gênante. Pourquoi faut-il que je sois dans un désert, et séparé de vous ?

On m’a envoyé de province une espèce de dialogue entre l’auteur de Bélisaire et un moine. L’auteur a trouvé dans saint Paul qu’il ne faut pas damner Marc-Aurèle. Il pourrait faire rougir la Sorbonne, si les corps rougissaient. Écr. l’inf….

6832. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 avril.

Je reçois deux lettres bien consolantes de M. d’Argental et de M. de Thibouville, écrites du 2 d’avril. Ma réponse est qu’on s’encourage à retoucher son tableau lorsqu’en général les connaisseurs sont contents, mais qu’on est très-découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers : alors on ne met de nouvelles touches que d’une main tremblante, et le pinceau tombe des mains.

Vous me faites bien du plaisir, mon cher ange, de me dire que Mlle Durancy a saisi enfin l’esprit de son rôle, et qu’elle a très-bien joué ; mais je doute qu’elle ait pleuré, et c’était là l’essentiel. Mme de La Harpe pleure.

Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu[1], qui ne fait que rire de toutes les choses qui sont très-essentielles pour les amateurs des beaux-arts, et je lui parlerai de Mlle Durancy comme je le dois. Mais vous avez à Paris M. le duc de Duras, qui a du goût et de la justice. Je suppose, mon cher ange, que vous avez raccommodé la sottise de Lacombe[2]. Vous me demandez pourquoi j’ai choisi ce libraire : c’est qu’il avait rassemblé il y a deux ans, avec beaucoup d’intelligence, quantité de choses éparses dans mes ouvrages, et qu’il en avait fait une espèce de poétique qui eut assez de succès[3].

Il m’écrivit des lettres fort spirituelles. Je ne savais pas qu’il

  1. On n’a point de lettre à Richelieu du 11 avril.
  2. Libraire de Paris, qui y faisait imprimer les Scythes.
  3. La Poétique de M. de Voltaire ; voyez tome XLIV, page 300.