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ANNÉE 1767

à visage découvert et ne point charger les autres de leurs sottises. Il n’est ni vrai ni plaisant de dire :

Que les vers durs vont tous en paradis.

Ce vers est même presque aussi dur que ceux de Piron. Le goût est rare dans ce monde.

Je vous parlerai de la terre de Tournay[1] au retour de Mme Denis. En attendant, j’embrasse mon cher président avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres. V.

7203. — DE M. HENNIN[2].
À Genève, le 13 mars 1768.

Je suis accoutumé, monsieur, à entendre redire vingt fois en un jour le même mensonge par différentes personnes dignes de foi. Aussi ne me pressai-je pas de croire les choses les plus probables. Celle qui m’engage à avoir l’honneur de vous écrire n’est pas de ce nombre, mais il m’importe beaucoup de l’éclaircir. On a assuré hier ici, monsieur, que vous vouliez vendre Ferney ; que même plusieurs Genevois y pensaient. En conséquence, une personne avec qui je suis fort lié ici m’a offert d’en traiter avec vous argent comptant. J’ai rejeté très-loin cette idée. Enfin on m’a prié instamment de savoir si vous étiez dans l’intention de vendre cette terre, et je prends le parti de m’en informer à vous-même. Je ne puis vous dire, monsieur, à quel point je serais fâché de vous voir quitter une aussi belle habitation, et le voisinage de Genève. Peut-être y aurait-il moyen de ne pas vous ôter la faculté d’y revenir ? Faites-moi le plaisir de me répondre. Quelle que soit votre résolution, je serai peut-être assez heureux pour vous rendre service.

Je me flatte que vous ne doutez pas, etc.

7204. — À M. DE LA TOURETTE[3].
Ferney, 13 mars.

Le vieux solitaire, bien triste et bien malade, fait les plus tendres compliments à M. de La Tourette et à monsieur son frère. Si sa mauvaise santé et ses affaires lui permettaient de venir à

  1. Il paraît que Voltaire avait eu sérieusement la pensée de faire vendre Ferney à Mme Denis, sous le nom de laquelle il l’avait acheté, et de se retirer à Tournay, acheté sous son propre nom. Il eut même une velléité nouvelle d’acquérir la pleine propriété de Tournay, d’abord pour sa nièce, ensuite pour lui-même après l’avoir renvoyée à Paris. Ce dernier point résulte de nombreuses lettres des agents d’affaires du président de Brosses dans le pays de Gex. (Th. F.)
  2. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.