Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/12

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mander tout le bien qu’elle fait dans ses vastes États. Je ne lui ai point écrit :

Ninus, en vous chassant de son lit et du trône,
En vous perdant, madame, eût perdu Babylone.
Pour le bien des mortels vous prévîntes ses coups ;
Babylone et la terre avaient besoin de vous :
Et quinze ans de vertus et de travaux utiles,
Les arides déserts par vous rendus fertiles,
Les sauvages humains soumis au frein des lois,
Les arts dans nos cités naissant à votre voix,
Ces hardis monuments, que l’univers admire,
Les acclamations de ce puissant empire,
Sont autant de témoins dont le cri glorieux
À déposé pour vous au tribunal des dieux[1].

Elle n’a pas même fait jouer Sémiramis une seule fois à Moscou. Cependant je ne la crois pas si coupable qu’on le dit ; mais si vous daignez m’envoyer la petite relation, je vous jure, foi de votre créature, de n’en jamais faire le moindre usage.

Je ne me suis pas encore fait chartreux, attendu que je suis trop bavard ; mais je fais régulièrement mes pâques, et je mets aux pieds du crucifix toutes les calomnies fréroniques et pompignantes qui m’imputent toutes les gentillesses anti-dévotes que Marc-Michel imprime depuis trois ou quatre ans, dans Amsterdam, contre les plus pures lumières de la théologie. Il y a deux ou trois coquins défroqués qui travaillent, sans relâche, à l’œuvre du démon.

Mais sérieusement vous m’avouerez qu’il serait bien injuste d’imaginer qu’un radoteur de soixante-quatorze ans, occupé du Siècle de Louis XIV, de mauvaises tragédies, de mauvaises comédies ; d’établir une fortune de quarante écus[2], de suivre dans ses voyages une Princesse de Babylone[3], et de faire continuellement des expériences d’agriculture, eût le temps et la volonté de barboter dans la théologie.

Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.

(Molière, Tartuffe, acte V, scène iii.)

Les envieux ont eu beau jeu. Une nièce qui va à Paris quand un oncle est à la campagne est une merveilleuse nouvelle ; mais

  1. Vers de Sémiramis, acte I, scène v ; voyez tome IV, page 517.
  2. L’Homme aux quarante écus ; voyez tome XXI, page 305.
  3. Voyez ibid., page 369.