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CORRESPONDANCE.

pliment fait au président Hénault[1]. Vous voyez comme on est juste.

Je m’applaudis tous les jours de m’être retiré à la campagne depuis quinze ans. Si j’étais à Paris, les tracasseries me poursuivraient deux fois par jour. Heureux qui jouit agréablement du monde ! Plus heureux qui s’en moque et qui le fuit ! Il y a, je l’avoue, un grand mal dans cette privation : c’est qu’en quittant le monde je vous ai quittée ; je ne peux m’en consoler que par vos bontés et par vos lettres. Dès que vous me donnerez des thèmes, soyez sûre que vous entendrez parler de moi, que je suis à vos ordres, et que je vous enverrai tous les rogatons qui me tomberont sous la main. Mille tendres respects.

7461. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[2].
Paris, 20 janvier 1769

J’ai tant de choses a vous dire que je ne sais par où commencer ; allons, suivons l’ordre chronologique, et commençons par ce qui regarde la Chronologie du président, dont vous m’avez parlé dans votre dernière lettre. Ce n’est point M. de Belestat qui en fait la critique ; ce n’est point lui qui a écrit la lettre que vous m’avez envoyée ; et qui donc ? C’est La Beaumelle. M. de Belestlat et lui sont en communauté de biens ; La Beaumelle fait passer sous son nom tout ce qu’il veut, il se tient visiblement caché derrière lui, et le Belestat se flatte de passer pour l’auteur, et se persuade peut-être à la fin qu’il l’est en effet. Si vous ne le connaissez que par ses lettres, et si vous ne l’avez jamais vu, vous êtes excusable de vous y tromper ; mais tous ceux qui le connaissent s’accordent tous a dire que c’est un bœuf, et en même temps un petit-maître, plein de toutes sortes de prétentions. On avait déjà écrit ici du Languedoc qu’il se donnait pour l’auteur de cette brochure ; mais il a beau faire et beau dire, on ne le croira pas.

Ne vous figurez pas, monsieur, que le président vous ait soupçonné. Ni lui ni moi n’avons eu cette pensée, et si quelqu’un a dit l’avoir, il en faisait semblant ; mais je suis bien aise d’avoir cette lettre ; il n’est plus permis actuellement d’insinuer le moindre soupçon sur vous. Le pauvre président n’est plus en état de s’intéresser a rien ; sa santé n’est pas mauvaise, mais sa tête ne va pas bien ; ne lui écrivez plus sur ce sujet, je vous le demande en grâce.

La grand’maman a reçu une lettre charmante de M. Guillemet, typographe en la ville de Lyon ; il lui envoie deux exemplaires de l’A, B, C. Ah ! cet homme est aussi aimable que vous, et bien obligeant ; il m’aurait envoyé un exemplaire du Siècle de Louis XIV et de Louis XV, s’il y avait pensé ;

  1. Voyez lettre 7331.
  2. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.