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ANNÉE 1768.

ciliation entre lui et Mme Nollet, dans laquelle vous ne devez pas entrer. Je n’insiste donc que sur votre compassion pour les malheureux, surtout pour un frère. Je ne lui connais, depuis qu’il est mon voisin, d’autre défaut que celui de cette facilité qui le plonge souvent dans l’indigence. Le premier aventurier qui paraît puise dans sa bourse. Ce serait une vertu s’il était riche ; mais c’est un vice, quand on s’est appauvri par sa faute.

Je crois vous avoir ponctuellement obéi, et vous avoir assez détaillé tout ce qui est venu à ma connaissance. Ma conclusion est qu’il faudrait qu’il se jetât entre vos bras, que vous lui tinssiez lieu de mère, quoique vous soyez plus jeune que lui ; qu’il sortît de Neuchâtel, et qu’il ne fût plus gouverné par un homme qui peut le ruiner et l’aigrir ; qu’il vécût dans quelque terre, comme madame sa femme. Il a besoin qu’on gouverne ses affaires et sa personne. Il faut surtout qu’il tombe en bonnes mains. Il aime les lettres, il a des connaissances ; l’étude pourrait faire sa consolation. Enfin je voudrais pouvoir diminuer les malheurs du frère, et témoigner à la sœur mon attachement inviolable et mon zèle. J’ai l’honneur d’être, etc.

7463. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
23 janvier.

J’avouerai à mon divin ange qu’en faisant usage de tous les petits papiers retrouvés dans la succession de Latouche[1], je pense que le tout mis au net pourra n’être pas inutile à la vénérable compagnie ; mais permettez-moi de penser que ces brouillons de Latouche peuvent procurer encore un autre avantage, celui de rendre toute persécution odieuse et d’amener insensiblement les hommes à la tolérance. C’était le but de ce pauvre Guimond, qui n’a pas été assez connu. Il faut qu’à ce propos je prenne la liberté de vous faire part de l’effet qu’ont produit certains petits ouvrages dans Toulouse même. Voici ce que me mande un homme en place très-instruit[2] :

« Vous ne sauriez croire combien augmente dans cette ville le zèle des gens de bien et leur amour et leur respect pour le patriarche de la tolérance et de la vertu. Vous savez que le colonel de mon régiment et ses majors généraux sont tous dévoués à

  1. Voyez tome XXXIX, pages 225 et 430 ; c’est sous le nom de Guimond Latouche que Voltaire voulait donner sa tragédie ; voyez tome VI, page 183.
  2. L’abbé Audra.