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ANNÉE 1769.

que j’aime bien mieux ce modeste jardin[1]
Où l’art en se cachant fécondait le terrain ! etc., etc.

Voilà mon aventure. De longues allées où, parmi quelques ormeaux et mille autres arbres, on cueille des abricots et des prunes : des troupeaux qui bondissent entre un parterre et des bosquets : un petit champ que je sème moi-même, entouré d’allées agréables ; des vignes, au milieu desquelles sont des promenades ; au bout des vignes, des pâturages, et au bout des pâturages, une forêt.

C’est chez moi que mûrit la figue à côté du melon[2], car je crois que vous n’avez guère de figues en Lorraine. Je dois donc vous remercier d’avoir dit si bien ce que j’aurais dû dire.

Je vous assure que mon cœur a été bien ému en lisant les petites leçons que vous donnez aux seigneurs des terres, dans votre troisième chant. Il est vrai que je n’habite pas le donjon de mes ancêtres[3], je n’aime en aucune façon les donjons ; mais du moins je n’ai pas fait le malheur de mes vassaux et de mes voisins. Les terres que j’ai défrichées, et un peu embellies, n’ont vu couler que les larmes des Calas et des Sinon, quands ils sont venus dans mon asile. J’ai quadruplé le nombre de mes paroissiens ; et, Dieu merci, il n’y a pas un pauvre.

Nec doluit miserans aut invidit habenti.

(Virg., Georg., lib. II, v. 499.)

En vous remerciant de tout mon cœur du compliment fait à l’intendant qui exigeait si à propos des corvées[4], et qui servait si bien le roi que les enfants en mouraient sur le sein de leurs mères. Chaque chant a des tableaux qui parlent au cœur. Pourquoi citez-vous Thomson ? c’est le Titien qui loue un peintre flamand.

Votre quatrième, qui paraît fournir le moins, est celui qui rend le plus. Je ne crains point d’être aveuglé par la reconnais-

  1. Les Saisons, chant I, vers 307-8.
  2. Ibid., chant I, vers 346.
  3. Dans le troisième chant des Saisons, vers 204, Saint-Lambert a dit :

    Se plaît dans Le séjour qu’ont bâti ses ancêtres.

  4. Voyez, dans le chant second des Saisons, le passage qui commence par ces vers :

    J’ai vu le magistrat qui régit la province,
    L’esclave de la cour et l’ennemi du prince.