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ANNÉE 1769.
7501. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
12 mars.

Mon cher ange, j’ai envoyé à ma nièce une espèce de testament, moitié sérieux, moitié gai. C’est une Épître à Boileau[1], dans laquelle je fais mes remerciements à M. de Saint-Lambert. J’attends la décision de mes anges pour savoir si mon testament est valable ; j’y ajouterai tous les codicilles qu’ils voudront.

Mon ange ne me dit rien du tripot (je parle du tripot de la Comédie), de la nouvelle pièce de de Belloy[2], des querelles des acteurs et des auteurs, des talents de Mlle Vestris, de sa réception. Pour moi, je n’ai d’autre nouvelle à mander, sinon qu’il neige autour de moi, et que la neige me tue.

Vous avez lu sans doute les Saisons de Saint-Lambert ; je l’ai remercié dans mon testament adressé à Nicolas[3]. Je ne sais si ma tête est jeune, mais mon corps est bien vieux. Si je ne m’amusais pas à faire des testaments, je serais bientôt mort d’ennui. Votre amitié me fait prendre la fin de ma vie en patience. Portez-vous bien, vous et Mme d’Argental. On ne vit pas assez longtemps. Pourquoi les carpes vivent-elles plus que les hommes ? cela est ridicule.

7502. — À M. DUPONT.
À Ferney, 13 mars.

Mon cher ami, il faut que je vous dise que je ne sais ce qu’est devenu M. Roset. Ce fut un avocat, nommé M. Surleau, qui me paya le dernier quartier. Roset est il encore chargé de la régie de Richwir ? ne l’est-il plus ? est-il dans le pays ? est-il mort ? est-il vivant ? À qui dois-je m’adresser pour la fin du mois où nous sommes ? Je vous prie de vouloir bien m’en informer.

Je crois que M. le duc de Choiseul va faire bâtir, dans mon voisinage, une ville où la tolérance sera établie[4]. Je verrai enfin les fruits de ma prédication. Les jésuites n’étaient pas de si bons missionnaires que moi. Les choses ont bien changé. Que ne puis-je avoir la consolation de causer avec vous !

Je vous embrasse, mon cher ami.

Voltaire.
  1. Tome X, page 397.
  2. Gaston et Bayard.
  3. Voyez tome X, page 401.
  4. Voyez la lettre 7457.