Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
CORRESPONDANCE.

Il est triste que, tandis que la raison élève sa voix dans presque toute l’Europe, le fanatisme fasse toujours entendre ses cris dans Paris. Les honnêtes gens se taisent, ou sont persécutés ; les fripons sont récompensés. Je fais plus de cas d’un philosophe comme vous, qui honore la médiocrité de sa fortune, que d’un hypocrite nageant dans l’opulence et se pavanant dans sa fausse grandeur.

Comptez que je vous suis bien véritablement attaché.

7241. — À M. RIBOTTE[1],
à montauban.
16 avril 1768.

Il n’y a pas un mot de vrai, monsieur, à tous les bruits qui se sont répandus dans les provinces. Les bulletins de Paris sont faits par des gens qui ramassent ce qu’ils entendent dire dans les cafés, et qui mentent pour gagner de l’argent. Le Compère Matthieu est un assez mauvais ouvrage, dont le dernier volume surtout est détestable : cela est composé par un moine défroqué qui a de l’esprit, mais qui n’a pas le ton de la bonne compagnie. On ignore encore si on doit, sous l’enveloppe de monsieur l’intendant, en mettre une autre pour M. Baudinot, son premier secrétaire.

On vous fait mille compliments sincères.

7242. — À M. DE CHABANON.
16 avril.

Je crains bien, mon cher ami, d’avoir été trop sévère et même un peu dur dans mes remarques sur Eudoxie ; mais, avant l’impression, il faut se rendre extrêmement difficile, après quoi on n’est plus qu’indulgent, et on soutient avec chaleur la cause qu’on a crue douteuse dans le secret du cabinet. C’est ainsi que mon amitié est faite : plus mes critiques sont sévères, plus vous devez voir combien je m’intéresse à vous.

Je n’ai pas encore profité de vos conseils auprès de M. de Sartines. J’ai craint que l’Homme aux quarante écus et la Princesse de Babylone[2] ne fussent pas des ouvrages assez sérieux pour être présentés à un magistrat continuellement chargé des détails les

  1. Bulletin de la Société de l’histoire du Protestantisme français. Paris, 1856, page 246.
  2. Voyez ces deux romans, tome XXI, pages 305 et 369.