Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
ANNÉE 1769.
7546. — À M. LE PRINCE DE LIGNE.
5 mai.

Vous daignez quelquefois, monsieur le prince, ranimer par vos bontés un vieillard malade. Quoique je sois mort au monde, votre souvenir ne m’en est pas moins précieux.

Vous jouissez à présent des plaisirs de Paris, et vous les faites ; mais je suis persuadé qu’au milieu de ces plaisirs vous goûtez la noble satisfaction de voir le règne de la raison qui s’avance partout à grands pas. Ferdinand II n’aurait jamais osé proscrire la bulle In cœna Domini. Il y aura enfin des philosophes à Vienne, et même à Bruxelles. Les hommes apprendront à penser, et vous ne contribuerez pas peu à cette bonne œuvre.

On substitue déjà presque partout la religion au fanatisme. Les bûchers de l’Inquisition sont éteints en Espagne et en Portugal. Les prêtres apprennent enfin qu’ils doivent prier Dieu pour les laïques, et non les tyranniser. On n’aurait jamais osé imaginer cette révolution il y a cinquante ans ; elle console ma vieillesse, que vous égayez par votre très-aimable lettre.

Agréez, monsieur le prince, avec votre bonté ordinaire, le respect et l’attachement du solitaire V.

7547. — À M. THIERIOT[1].
Ferney, le 5 mai.

Le petit magistrat de province s’attendait, mon cher ami, à l’avis du procureur[2] que vous avez consulté. Je le lui avais prédit, et, en dernier lieu, je vous en avais prévenu. J’ai connu ces gens-là, lorsque j’étais dans votre ville de Paris. Il n’y a d’autre parti à prendre qu’à me renvoyer les pièces du procès. Le jeune magistrat arrangera lui-même la procédure. Il y a même de nouvelles additions qu’il a faites à son factum. Il me le remettra, dès qu’il y aura travaillé, et vous l’aurez incessamment. Je pense que vous pourrez tirer parti de l’impression, et que la cause est intéressante pour un certain nombre d’honnêtes gens.

Je vous prie, mon cher ami, de m’envoyer l’Alexandre Linguet[3] et les Maladies de l’esprit, nouvelle édition.

  1. Éiteurs, de Cayrol et François.
  2. Préville, consulté sur le Dépositaire.
  3. Histoire du siècle d’Alexandre le Grand, de Linguet, réimprimée en 1769.