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ANNÉE 1769.

Maximilien de Rosny, pour le cardinal d’Amboise, et quelques personnes de cette trempe ; je n’ai pas changé un moment, aussi tout le monde me dit : Monsieur Guillemet, vous êtes un bon cœur, il y a plaisir avec vous à bien faire ; il est vrai que vous prenez la chèvre quand on vous dit qu’il faut vous enterrer[1] ; mais aussi vous entendez raillerie. Tachez d’envoyer des rogatons à madame la grand’maman, car, en son genre, madame vaut monsieur. La journée n’a que vingt-quatre heures, monsieur Guillemet ; heureux qui peut l’amuser une heure dans les vingt-quatre ! c’est beaucoup. N’écrivez jamais de longues lettres à madame la grand’maman, de peur de l’ennuyer, et n’écrivez point du tout à son époux ; contentez-vous de lui souhaiter, du fond du cœur, prospérité, hilarité, succès en tout, et jamais de gravelle. Sachez qu’il lui passe tant de sottises, de misères, de bêtises devant les yeux, que vous ne devez pas en augmenter le nombre. Ainsi donc, pour couper court, je demeure avec un très-grand respect, madame, de Votre Excellence le très-soumis et humble serviteur.

Guillemet, typographe.
7555. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
23 mai.

Mes chers anges, je réponds à tous les articles de votre lettre du 15 de mai. Parlons d’abord des Guèbres ; Zoroastre m’intéresse plus que Luchet[2].

Le jeune homme regarde cet ouvrage comme une chose assez essentielle, parce qu’au fond quatre ou cinq cent mille personnes sentiront bien qu’on a parlé en leur nom, et que quatre ou cinq mille philosophes sentiront encore mieux que c’est leur sentiment qu’on a exprimé. Il a donc, depuis sa dernière lettre, passé huit jours à tout réformer ; il a corrigé toutes les fautes qui se glissent nécessairement dans les ouvrages de ce genre, avant qu’ils aient été polis avec le dernier soin ; termes impropres, mots répétés, contradictions apparentes rectifiées, entrées et sorties mieux ménagées, additions nécessaires, rien n’a été oublié. Il faudrait donc encore faire une nouvelle copie. On prend le parti de faire imprimer la pièce à Genève. L’auteur et l’éditeur me la dédient. Ce qu’on me dit dans la dédicace était d’une

  1. On avait rapporté à Voltaire que La Bletterie avait imprimé que Voltaire avait oublié de se faire enterrer.
  2. Le marquis de Luchet.