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CORRESPONDANCE.

nécessité absolue dans la situation où je me trouve. Cette édition sera pour les pays étrangers, et pour quelques provinces méridionales de France. L’édition de Paris sera pour Paris, et doit valoir honnêtement à M. Marin et à M. Lekain. Je vous enverrai dans huit ou dix jours la préface, l’épître dont on m’honore[1], et la pièce.

Vous me parlez d’un nommé Josserand : je ne savais pas qu’il existât, encore moins les obligations qu’il vous avait. On ne me mande rien dans mon tombeau. Ce Josserand m’écrivit, il y a près d’un mois, de lui envoyer un billet sur Laleu[2] ; j’en donnai un autre à la nommée Suisse, son associée.

À l’égard des Scythes, je baise le bout de vos ailes avec la plus tendre reconnaissance. Si Mlle Vestris joue bien, je ne désespère pas du succès.

À l’égard du déjeuner[3], je vous répète qu’il était indispensable. Vous ne savez pas avec quelle fureur la calomnie sacerdotale m’a attaqué. Il me fallait un bouclier pour repousser les traits mortels qu’on me lançait. Voulez-vous toujours oublier que je suis dans un diocèse italien, et que j’ai dans mon portefeuille la copie d’un bref de Rezzonico contre moi ? voulez-vous oublier que j’allais être excommunié comme le duc de Parme et vous ? voulez-vous oublier enfin que, lorsqu’on mit un bâillon à Lally, et qu’on lui eut coupé la tête pour avoir été malheureux et brutal, le roi demanda s’il s’était confessé ? voulez-vous oublier que mon évêque savoyard, le plus fanatique et le plus fourbe des hommes, écrivit contre moi au roi, il y a un an, les plus absurdes impostures ; qu’il m’accusa d’avoir prêché dans l’église où son grand-père le maçon a travaillé ? Il est très-faux que le roi lui ait fait répondre, par M. de Saint-Florentin, qu’il ne voulait pas lui accorder la grâce qu’il demandait. Cette grâce était de me chasser du diocèse, de m’arracher aux terres que j’ai défrichées, à l église que j’ai rebâtie, aux pauvres que je loge et que je nourris. Le roi lui fit écrire qu’il me ferait ordonner de me conformer à ses avis ; c’est ainsi que cette lettre fut conçue. L’évêque-maçon a eu l’indiscrétion inconcevable de faire imprimer la lettre de M. de Saint-Florentin. Ce polisson de Savoyard a été autrefois porte-Dieu a Paris, et repris de justice pour les billets de confession. Il s’est joint avec un misérable ex-jésuite, nommé Nonotte,

  1. La dédicace des Guèbres ; voyez tome VI, page 487.
  2. Notaire de Voltaire.
  3. La communion du 1er avril 1769.