Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/127

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L’Hiérophante.

Le sacrifice est grand : je sens trop ce qu’il coûte ;
Mais notre loi vous parle, et votre cœur l’écoute :
Vous l’avez embrassée.


Statira

Aurais-je pu prévoir
Qu’elle dût m’imposer cet horrible devoir ?
Je sens que de mes jours, usés dans l’amertume,
Le flambeau pâlissant s’éteint et se consume ;
Et ces derniers moments que Dieu veut me donner
À quoi vont-ils servir ?

L’Hiérophante

Peut-être à pardonner.
Vous-même vous avez tracé votre carrière ;
Marchez-y sans jamais retourner en arrière.
Les mânes, affranchis d’un corps vil et mortel,
Goûtent sans passions un repos éternel ;
Un nouveau jour leur luit ; ce jour est sans nuage ;
Ils vivent pour les dieux : tel est notre partage.
Une retraite heureuse amène au fond des cœurs
L’oubli des ennemis et l’oubli des malheurs.


Statira

Il est vrai, je fus reine, et ne suis que prêtresse ;
Dans mon devoir affreux soutenez ma faiblesse.
Que faut-il que je fasse ?


L’Hiérophante

Olympie à genoux
Doit d’abord en ces lieux se jeter devant vous ;
C’est à vous de bénir cet illustre hyménée.


Statira

Je vais la préparer à vivre infortunée :
C’est le sort des humains.


L’Hiérophante

Le feu sacré, l’encens,
L’eau lustrale, les dons offerts aux dieux puissants,
Tout sera présenté par vos mains respectables.


Statira

Et pour qui, malheureuse ! Ah ! Mes jours déplorables
Jusqu’au dernier moment sont-ils chargés d’horreur ?
J’ai cru dans la retraite éviter mon malheur ;
Le malheur est partout, je m’étais abusée :
Allons, suivons la loi par moi-même imposée.