Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/138

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Au dieu que nous servons nous levons des mains pures.
Les débats des grands rois prompts à se diviser
Ne sont connus de nous que pour les apaiser ;

    trop de ce caractère de douceur et d’impartialité qui doit faire l’essence de son ministère. Ou pourrait l’accuser d’un fanatisme, trop féroce, lorsque, rencontrant Mathan en conférence avec Josabeth, au lieu de s’adresser à Mathan avec la bienséance convenable, il s’écrie :

    Quoi ! fille de David, vous parlez à ce traître !
    Vous souffrez qu’il vous parle ! Et vous ne craignez pas
    Que, du fond de l’abîme entr’ouvert sous ses pas,
    Il ne sorte à l’instant des feux qui vous embrasent,
    Ou qu’en tombant sur lui ces murs ne vous écrasent !
    Que veut-il ? De quel front cet ennemi de Dieu
    Vient-il infecter l’air qu’on respire en ce lieu ?

    Matban semble lui répondre trés-pertinemment en disant :

    On reconnaît Joad à cette violence.
    Toutefois il devrait montrer plus de prudence,
    Respecter une reine, etc.

    Acte III. scène v.

    On ne voit pas non plus pour quelle raison Joad, ou Joïada, s’obstine à ne vouloir pas que la reine Athalie adopte le petit Joas. Elle dit en propres termes cet enfant [acte II, scène vii] : « Je n’ai point d’héritier… je prétends vous traiter comme mon propre fils. »

    Atbalie n’avait certainement alors aucun intérêt à faire tuer Joas. Elle pouvait lui servir de mère, et lui laisser son petit royaume. Il est très-naturel qu’une vieille femme s’intéresse au seul rejeton de sa famille. Atbalie, en effet, était dans la décrépitude de l’âge. Les Paralipomènes [livre II, chapitre xxii, verset 2] disent que son fils Ochozias ou Arbazia avait quarante-deux ans [les Rois, livre IV. chap. viii, verset 26, disent vingt-deux] quand il fut déclaré melk ou roitelet. Il régna environ un an. Sa mère, Atbalie, lui survécut six ans. Supposons qu’elle fût mariée a quinze ans, il est clair qu’elle avait au moins soixante-quatre ans. Il y a bien plus ; il est dit dans le quatrième livre des Rois [X, 14], que Jéhu égorgea quarante-deux frères d’Ochozias, et cet Ochozias était le cadet de tous ses frères : à ce compte, pour peu qu’un des quarante-deux frères eût éte majeur, Athalie devait être âgée de cent six ans quand le prêtre Joad la fit assassiner*.

    [* Voici le compte :

    Atlialie se marie à quinze ans. 13
    Elle a quarante-deux fils 42
    Ochozias, le quarante-troisième, commence à régner à quarante-deux ans 42
    Il règne un an 1
    Athalie règne, après lui, six ans 6

    Somme totale… 106]

    Je n’examine point ici comment le pere d’Ochozias pouvait avoir quarante ans [Paralip., livre II, chap. xxi, Verset 20], et son fils quarante-deux quand il lui succéda, je n’examine que la tragédie. Je demande seulement de quel droit le prêtre Joad arme ses levites contre la reine, à laquelle il a fait serment de fidélité ; de quel droit trompe-t-il Athalie en lui promettant un trésor ? de quel droit fait-il massacrer sa reine dans la plus extrême vieillesse ?

    Athalie n’était certainement pas si coupable que Jéhu, qui avait fait mourir soixante et dix fils du roi Achab, et mis leurs têtes dans des corbeilles, à ce que