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ACTE I, SCÈNE I. 183

Vos malheurs, vos affronts, ne viennent que de lui ?

FULVIE,

Qui peut connaître Octave ? Et que son caractère Est diffèrent en tout du grand cœur de son père ! Je l’ai vu, dans l’erreur de ses égarements. Passer Antoine même en ses emportements ^ ;

mœurs d’Auguste. Peut-être l’auteur de la pièce en a-t-il inféré qu’Octave s’était dégoûté de Fulvie ; ce qui arrive toujours dans ces commerces scandaleux. Octave et Fulvie étaient également ennemis des mœurs, et prouvent l’un et l’autre la dépravation de ces temps exécrables ; et cependant Auguste affecta depuis des mœurs sévères. {Note de Voltaire.)

1. Il est très-vrai qu’Auguste fut longtemps livre à des débauches de toute espèce. Suétone nous en apprend quelques-unes. Ce même Sextus Pompée, dont nous parlerons, lui reprocha des faiblesses infâmes, effeminaium insectatus est. Antoine, avant le triumvirat, déclara que César, grand-oncle d’Auguste, ne l’avait adopté pour son fils que parce qu’il avait servi à ses plaisirs ; adoptionem avunculi stupro merhum. Lucius lui fit le même reproche, et prétendit même qu’il avait poussé la bassesse jusqu’à vendre son corps à Hirtius pour une somme très-considérable. Son impudence alla depuis jusqu’à arracher une femme consulaire à son mari, au milieu d’un souper : il passa quelque temps avec elle dans un cabinet voisin, et la ramena ensuite à la table sans que lui, ni elle, ni son mari, en rougissent,

Nous avons encore une lettre d’Antoine à Auguste, conçue en ces mots :

« Ita valeas ut, banc epistolam quura loges, non inieris ïestulam, aut Terentillam, aut Russilam, aut Salviam, aut omnes. Anne refert ubi et in quam arrigas ? » On n’ose traduire cette lettre licencieuse.

Rien n’est plus connu que ce scandaleux festin de cinq compagnons de ses plaisirs avec six principales femmes de Rome. Ils étaient habillés en dieux et en déesses, et ils on imitaient toutes les impudicités inventées dans les fables :

Dum nova divorum cœnat adulte ria.

(SuET., Oct., chap. 70.)

Enfin on le désigna publiquement sur le théâtre par ce fameux vers :

Videsne ut cinœdus orbcm digito temporel ? (Id., 16S.)

Presque tous les auteurs latins qui ont parle d’Ovide prétendent qu’Auguste n’eut l’insolence d’exiler ce chevalier romain, qui était beaucoup plus honnête homme que lui, que parce qu’il avait été surpris par lui dans un inceste avec sa propre fille Julia, et qu’il ne relégua même sa fille que par jalousie. Cela est d’autant plus vraisemblable que Caligula publiait hautement que sa mère était née de l’inceste d’Auguste et de Julie : c’est ce que dit Suétone dans la vie de Caligula chap. xxiiij.

On sait qu’Auguste avait répudié la mère de Julie le jour même qu’elle accoucha d’elle, et il enleva le même jour Livie à son mari, grosse de Tibère, autre monstre qui lui succéda. Voilà l’homme à qui Horace disait [livre II, épître i™, vers 2-3J :

Ras Italas armis tutoris, luoribus ornes, Legibus amendes, etc.

Antoine n’était pas moins connu par ses débordements effrénés. On le vit parcourir toute l’Apulie dans un char superbe traîné par des lions, avec la courtisane