Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/218

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ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

SEXTUS POMPÉE.

Je ne la trouve plus : quoi ! mon destin fatal L’amène à mes tyrans, la livre à mon rival ! Les voilà, je les vois, ces pavillons horribles Où nos trois meurtriers, retirés et paisibles, Ordonnent le carnage avec des yeux sereins, Comme on donne une fête et des jeux aux Romains, Pompée ! ô mon père ! infortuné grand îiomme ! Quel est donc le destin des défenseurs de P »ome ? dieux ! qui des méchants suivez les étendards, D’où vient que l’univers est fait pour les Césars ? J’ai vu périr Caton \ leur juge et votre image :

1. Je propose quelques réflexions sur)a vie et sur la mort de Caton. Il ne commanda jamais d’armée ; il ne fut (|uc simple préteur : et cependant nous pronon- çons son nom avec plus de vénération que celui des César, des Pompée, des Briitus, des Ciccron, et des Scipion même : c’est que tous ont eu beaucoup d’ambition ou de grandes faiblesses. C’est comme citoyen vertueux, c’est comme stoïcien rigide, qu’on révère Caton malgré soi ; tant l’amour de la patrie est respecté par ceux mêmes à qui les vertus patriotiques sont inconnues ; tant la philosophie stoïcienne force à l’admiration ceux mêmes qui en sont le plus éloignés. U est certain que Caton fit tout pour le devoir, tout pour la patrie, et jamais rien pour lui. Il est presque le seul Romain de son temps qui mérite cet éloge. Lui seul, quand il fut questeur, eut le courage non-seulement de refuser aux exécuteurs des proscriptions de Sylla l’argent qu’ils redemandaient encore en vertu des rescriptions que Sylla leur avait laissées sur le trésor public, mais il les accusa de concussion et d’homicide, et les fit condamner à mort, donnant ainsi un terrible exemple aux triumvirs, qui dédaignèrent d’en profiter. U fut ennemi de quiconque aspirait à la tyrannie. Retiré dans Utiqiie, après la bataille de Tapsa, que César avait gagnée, il exborte les sénateurs d’Utique h imiter son courage, à se défendre contre l’usurpateur ; il les trouve intimidés, il a l’Iiumanité de pourvoir à Ir-ur sûreté dans leur fuite. Quand il voit qu’il ne lui reste plus aucune espérance de sauver sa patrie,